« Tu peux savoir » est le nom du site du pôle 9 Ouest de l’École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien. Nous l’empruntons à Jacques Lacan, qui traduisit ainsi la formule latine Scilicet (1) dont il faisait en 1968 le titre de la revue de psychanalyse de l’École freudienne de Paris. « A qui ce tu s’adresse-t-il ? », demandait-il dans son introduction. C’est en effet dans le tu de la question, que gît la réponse, hier comme aujourd’hui. Ce tu s’adresse tout d’abord au bachelor, c’est-à-dire à celui qui est encore en formation et qui pour cette raison même, dira Lacan, laisse de l’espoir, n’étant pas encore marié avec une quelconque doxa. Et c’est pourquoi ce tu désigne aussi celui qui, osant accueillir les questions qui le divisent, trouvera dans ce qu’il ne comprend pas, la chance d’apprendre du nouveau. Tu peux savoir : invitation, donc, à interroger et déchiffrer le savoir inconscient dont chacun est fait sujet, autant que la théorie qui en élabore la pratique. Il s’agira donc ici de s’orienter à partir d’une position analysante, et non de cette identité imaginaire dont Lacan prédisait le risque pour nous aujourd’hui. Ainsi, affirmait-il à la fin de son enseignement, « Dans vingt ans,… tout le monde sera lacanien – c’est-à-dire aussi bête qu’avant, n’est-ce pas ? C’est pas parce qu’on dira les choses que je dis, que ça rendra plus intelligent, puisque inter ligere c’est savoir lire les choses au niveau de ce qu’on entend, au niveau de ce qui se dit, au niveau des faits, parce qu’il n’y a pas d’autre fait que ce qui se dit : ça c’est savoir lire. » (2)
En cela, ce site se veut être une invitation à ce travail de lecture et d’échanges, théoriques et cliniques. Rien d’autre, en somme, qu’ouvrir cet espace de l’inter lignes qui objecte à la logique du Tout, ainsi qu’à ses ritournelles et slogans. Ici souhaitons-nous, « Pas de tout » (3), mais la possibilité dans le cadre des travaux de notre École d’un retour à Lacan, ainsi que notre époque le nécessite.
Des travaux seront donc ici présentés, qui interrogent tant l’expérience de la psychanalyse que la production théorique qui s’en extrait ; l’une étant solidaire de l’autre. Leurs auteurs, psychanalystes et non analystes, les mettent à disposition, pour qu’ils circulent et constituent ainsi des liens de travail. Y seront également proposées des brèves visant à interroger le discours analytique dans ses connexions avec les différents champs qui tissent le lien social. On y trouvera enfin relayées les voies qui concourent à la formation analytique, que ce soit dans la cure ou par le contrôle, par le cartel que Lacan érigeait comme organe de base du travail d’Ecole, ou bien encore par le Collège de Clinique Psychanalytique de l’Ouest et les séminaires, conférences et journées d’étude.
(1) Lacan J. Introduction de Scilicet au titre de la revue de l’Ecole freudienne de Paris, Autres Ecrits, Le Seuil, 2001
(2) Conférence donnée au Centre culturel français le 30 mars 1974, suivie d’une série de questions préparées à l’avance, en vue de cette discussion, et datées du 25 mars 1974. Parue dans l’ouvrage bilingue : Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan, La Salamandra, 1978, pp. 104-147
(3) Lacan J., « Dissolution », 15 Janvier 1980, inédit.