Dimitri ROUCHON-BORIE
Édition Le Tripode 2021
Prix Louis Guilloux 2021
Le 17 mars 2023, des collègues du pôle 6, Patricia Robert et Pierre Perez, organisent à la librairie «Comment Dire» à Rennes, une rencontre avec cet écrivain briochin et son éditeur. C’est l’occasion de revenir sur ma lecture de ce livre.
Avec cette aquarelle de Clara Audureau sur la couverture, ce livre est un bel objet, un écrin pour le réel. Car c’est bien du traitement du réel dont nous parle cet écrivain, Dimitri Rouchon-Borie.
Il y a dans ce livre deux questionnements qui se poursuivent, deux écritures.
Celle de Duke, le personnage crée par l’auteur, qui écrit son trajet de vie, un chemin parti « du monde de l’unité indistincte »(1) et qui inexorablement le ramène à son point de départ, au commencement des sensations de vie pour lui dans « le nid »(2). Le nid, l’espace de l’enfance, «c’était l’horreur mais au fond c’était notre paradis et rien n’a été mieux que cela »(3).
Avec ce qu’il nomme « son parlement » (4), ses mots et son phrasé, Duke essaye de cerner ses limites à dire et à comprendre, il dépose sa question concernant son père : que fallait-il faire « pour plus subir son héritage j’étais comme quelqu’un qui se débat avec un poids tu coules tu coules mais tu ne sais pas où est attachée la pierre »(5)?
Puis il y a l’écriture de l’auteur, qui a accepté, dit-il, « d’aller jusqu’à s’oublier soi »(6), de « se laisser traverser »(7) par l’histoire et les mots qui ont surgi, qui se sont imposés à lui après cette question : qu’est ce que je viens faire là ? «Là», ce sont les salles d’audience des Assises où son travail de journaliste l’a mené ; « là », à voir mais surtout à entendre l’horreur, celle qui peut advenir dans les existences humaines.
A propos de l’écriture de ce livre D. Rouchon Borie dit que c’était comme «être intensément là mais pas non plus présent»(8).
Une écriture qui tente de traiter ce qui traverse un sujet, un être enfermé, en prison, mais surtout dans ses affects et dans ce qu’il pense qu’on a déposé en lui.
Deux écritures qui s’appuient sur celle des Confessions de Saint Augustin : Duke, comme son créateur, traitent leurs questions : là où ils en sont, qu’est-ce qui les y a amené ?
Un tourment qui pourrait se formuler comme le fait Saint Augustin dans son introspection avant l’heure : « J’étais ce moi qui voulais et ce moi qui ne voulais pas, j’étais l’un et l’autre moi. Ni je voulais pleinement, ni je ne refusais pleinement ma volonté. C’est pourquoi je luttais avec moi même et j’étais déchiré intimement »(9).
Avec ce livre écrit en trois semaines, dans une quasi absence de ponctuation et de respiration, qui s’impose à la lecture comme il a surgi à l’écriture, D Rouchon-Borie considère être « aller chercher au bord du gouffre pour comprendre certaines choses de ce qu’est l’humanité »(10).
Janvier 2023
Soizic Garnier Maleuvre
Notes :
1. Le démon de la colline aux loups, Le Tripode, 2021, page 16
2. Ibid., p. 15
3. Ibid., p. 74
4. Ibid., p. 9
5. Ibid., p. 183
6. D. Rouchon Borie, Rencontres littéraires, Villa Carmélie, Saint Brieuc, 10 juillet 2021
7. Idem
8. Idem
9. Saint Augustin, Les Confessions, Livre VIII, p. 170, Éditions Garnier-Flammarion
10. D. Rouchon Borie, Rencontres littéraires, Villa Carmélie, Saint Brieuc, 10 juillet 2021