Collège de clinique psychanalytique de l’Ouest

Pour sa 26ème année, le collège de clinique psychanalytique de l’Ouest (CCPO) présente ses enseignements. Sous une direction collégiale, le CCPO propose un débat pluraliste dans le champ de la psychanalyse. Instruits par l’œuvre de Sigmund Freud et orientés par l’enseignement de Jacques Lacan, les enseignants – tous membres du Forum du Champ Lacanien – France – témoignent de la pertinence d’une clinique lacanienne du sujet.

Cette formation vise à guider la pratique professionnelle de ses participants et s’adresse aux intervenants de la « santé mentale », médecins (psychiatres ou non) infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues, rééducateurs, enseignants, psychanalystes, étudiants
intéressés par la clinique psychanalytique.

Ces enseignements se répartissent sur trois unités et un espace clinique :

  • Le Havre (Seine-Maritime), six vendredis,
  • Pontorson (Manche), cinq samedis,
  • Rennes (Ille et Vilaine), quatre jeudis,
  • Espace clinique de Rennes : « pratiques cliniques en institution » (Ille et Vilaine), quatre vendredis.

Ils se complètent de cinq journées de travail communes à tous les inscrits, de conférences accessibles en présence physique et/ou en visio-conférences, ainsi que d’un séminaire et de groupes de travail.

Le CCPO peut proposer une inscription en FC si l’établissement n’exige pas la certification Qualiopi.

Pour l’année 2024-2025 le thème retenu par l’assemblée générale des enseignants est Traumatismes.

*

*

Le discours actuel démontre le succès implacable du terme traumatisme.

De quoi ce mot est-il le nom ?

D’une doctrine systématique des causes… à faire causer : propos sur la causalité… de la souffrance. Omnitudo traumaticus. Son caractère de mot chimère désigne à la fois la cause et ses effets : il est traumatisé…donc…il… Nouveau cogito de l’ère moderne.

En 1956, commentant « une vieille observation d’hystérie traumatique » de M. J. Eisler et de ce qui avait commencé à frapper l’observation et les premiers pas de la pratique analytique, Lacan pointait déjà : à chercher des traumas, qui plus est dans l’enfance des sujets, nous en trouvons à la pelle1.

Rencontrant ici une pente naturelle de beaucoup de parlants et de psych… à nourrir les causalités psycho-biographiques.

Une vingtaine d’année après, aux USA, le professeur Casey interrogeait Lacan :

« Pr Casey – Même si vous n’en êtes pas sûr, n’y a-t-il pas une différence selon que ces événements ont réellement eu lieu ou non ?

J. Lacan – Laissez-moi vous dire : vous ne pouvez jamais être sûr qu’un souvenir n’est pas souvenir-écran. C’est-à-dire un souvenir qui bloque le chemin de ce que je peux repérer dans l’inconscient, c’est-à-dire la présence – la plaie – du langage. Nous ne savons jamais ; un souvenir tel qu’il est imaginairement revécu – ce qu’est un souvenir-écran – est toujours suspect. Une image bloque toujours la vérité. J’use ici de termes que tout analyste connaît. Le concept même de souvenir-écran montre la méfiance de l’analyste à l’égard de tout ce que la mémoire pense qu’elle reproduit. Ce qu’on appelle, à strictement parler, la mémoire est toujours suspect. Incidemment, c’est pourquoi Freud se heurta au fameux trauma originel. Le cas de l’Homme aux loups est si long seulement parce que Freud essaye désespérément de rendre quelque chose clair ne peut savoir si l’Homme aux loups ne rapporte, sur la copulation de ses parents, qu’un souvenir-écran. Un trauma est toujours suspecte2. »

Poursuivant ensuite sa réponse en l’illustrant du petit Hans : « la sexualité est toujours traumatique en tant que telle »…

D’étonnant !

Il était déjà revenu durant la séance du 19 mai 1954 de son séminaire, sur les questions fondamentales que posaient l’homme au loup et son élaboration freudienne au processus analytique. Réexaminant les enjeux et articulations logiques du trauma, de l’après-coups, Nachträglichkeit, et de la Pragüng, la frappe, de ce qui est venu comme il le formulera plus tard « résonner sur les parois de la cloche3 ».

Quelle est donc la logique du trauma ? Là où on s’attendrait à situer le déclenchement dans l’élémentle plus manifeste, l’accident catastrophique, l’évidence traumatique ou les adhérences psycho-biographiques, ce qui se réveille sera tout autre chose. Dès lors, ce qui fera signe du destin que fait l’inconscient, malheur et bonheur, sera de l’ordre d’un petit rien, d’un petit bruit, de ce peu de réalité qui trouve écho. Passage des causes à la cause.

De ce réel-là, aucune résilience à espérer.

Dès lors, qu’est-ce qui relève de la psychanalyse et qu’est-ce qui n’en relève pas ?

Qu’en sera-t-il pour la psychanalyse qui postule l’inconscient comme effet de langage rebattant les cartes de la causalité ? Nous n’aurons pas trop de cette année de travail pour élucider nos raisons et situer l’option analytique concernant les traumatismes. Occasion de remettre sur le métier les élaborations freudiennes et lacaniennes que nous avons juste, dans ces lignes, effleurées.

Enfin : comment faire valoir cette option et démontrer sa valeur d’usage pour ce qu’il en est de nos pratiques ?

François Boisdon et Alexandre Faure
Enseignants au CCPO

  1. J. Lacan, Le Séminaire Livre III, Les Psychoses, transcription de Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, [1955-1956] 1981, p.191.
  2. J. Lacan, « Yale University, Kanzer Seminar », dans Scilicet, n°6/7, Paris, Seuil, 1975, p.22.
  3. J. Lacan, Le Séminaire Livre XVII, L’Envers de la psychanalyse, version Staferla, p.14.