Intervention introductive prononcée lors de la journée pluridisciplinaire Art & psychanalyse organisée par les membres de l’EPFCL du pôle Ouest sur « Le Dire invisible » à Rennes le 23 avril 2016
Le Dire invisible. C’est le thème de notre journée, il faut s’en expliquer. Pourquoi invisible ? Disons le d’emblée, c’est un parti pris, un oxymore pour dire de façon raccourcie qu’il y a de l’irreprésentable dans la représentation comme il y a de l’innommable dans le langage. Ce n’est pas un interdit de dire, ce n’est pas une impuissance à dire ou à montrer, non c’est un impossible. Et c’est ce que nous appelons le réel. Dans la psychanalyse, le réel n’a rien a voir avec une quelconque réalité, il est même plutôt hors réalité, ni représentable, ni figurable, ni nommable. Ce n’est d’ailleurs pas une évidence de notre modernité de qualifier ainsi le réel : insupportable et impossible.
En effet, le XXIème siècle serait, dit-on, le siècle de la transparence totale. Le réel serait entièrement traversable et donc visible, il ne resterait plus d’opacité… dans tous les champs, celui de la politique, de la science, de la technique, de l’économie, jusqu’aux réseaux sociaux, etc… Nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’image joue un rôle dominant. L’image comme moyen de communication prend la place de la parole, avec une puissance encore plus captivante qu’à l’époque de Lacan. L’image en tant que mode d’expression du réel apparaît dans le monde actuel d’une façon généralisée et de manière incontrôlable.
Ce qui nous est montré chaque jour sur tous les écrans est cette idée, que : « Tout ce qui est visible est réel », avec son corollaire : « Ce qui n’est pas visible n’est pas réel ». Le regard serait-il devenu le maître de notre monde ? Que reste-t-il de caché, d’invisible, d’intime, soustrait au regard aujourd’hui ? Qu’est-ce qui fait encore tache ? Et qu’elles en sont les conséquences pour l’art, la peinture et pour la psychanalyse ?
Si nous sommes aujourd’hui de plus en plus regardé, quel regard portons-nous sur l’omniprésence du voir, cet « l’œil absolu » dont parle Gérard Wajcman[1], qui nous regarde toujours et partout ? Question politique sans doute, question du sujet, mais aussi question pour la psychanalyse. Quelle réponse l’art et la psychanalyse apportent, chacune différemment, à cette question ? Si les arts plastiques tirent leur pertinence de ce qu’ils donnent à voir, la peinture précisément ne donne-t-elle pas à voir un impossible à dire ? Un Dire invisible en somme !
La question s’est posée. Pour ou Contre les images ? C’est une question qui date du moyen-âge, de la querelle des images[2]. Elle remonte à la nuit des temps quand il s’est agi de savoir si la Divinité avait une apparence. Pouvait-elle être représentée ? Il y a eu rupture et conflit entre les hommes. Ce fut irréductible et radical. Là où ils furent assez confiants dans leurs propres génies, les hommes n’ont pas trouvé bizarre de donner du volume et du poids à leurs pensées, d’injecter les effets de leur imaginaire dans les statues, de projeter leurs visions sur les murs.
Le Dieu unique et vengeur de la Bible est, lui, insaisissable à coups de crayons ou avec un pinceau…On ne peut pas le modeler dans l’argile ou le tailler dans la pierre. On peut tout juste graver ses paroles sur les tables de la loi ou calligraphier ses versets. Ceux qui craignent les dieux ont décidé une fois pour toutes que c’était une folie de les représenter.
Vous le savez, il y a aujourd’hui encore un interdit de la représentation… mais l’interdit, bien qu’il puisse conduire au pire, quand l’immonde du monde fracasse des vies jusque devant nos portes, l’interdit n’est pas encore l’impossible.
Il y aurait donc deux sortes de mondes. Celui où tout est visible, où tout doit être montré. C’est le nôtre et il devient nécessairement obscène. Et puis l’autre où rien d’essentiel ne peut sauter aux yeux, ni Dieu, ni le corps des femmes… ni cette jouissance qui leur est singulière et énigmatique.
Mais Dieu n’a rien à craindre de ses représentations. La Peinture ne risque pas de le coincer sur Terre. D’ailleurs, est-ce toujours ce vieux bonhomme à barbe blanche, ou une femme, « déesse, femme superbe et sublime, prénommée Gala », se demande Salvador Dali ? C’est qu’à force de chasser la religion de la peinture, puis d’en chasser la morale et la politique, plus aucun tableau digne de ce nom ne risque en Occident d’être regardé au premier degré, (Guillaume Kazerouni nous en parlera certainement). Toute œuvre peinte, même figurative est ressentie comme une abstraction, comme l’ouverture sur un ailleurs. Le monde d’aujourd’hui avec les yeux d’hier n’existe plus. Trop d’images… plus d’image.
Le Dire invisible, c’est je crois aussi une vieille histoire qui a commencé il y a encore plus longtemps : Quand la main des hommes est devenue habile à tout faire, qu’entre leur tête et leurs outils rien ne freinait plus. Il est possible qu’ils voulurent se saisir des images qu’ils avaient dans la tête, pour les déposer quelque part. Cette opération (artistique avant l’heure) pouvait avoir lieu n’importe où, mais elle n’a laissé de traces qu’au fond de certains sombres couloirs souterrains, si enfoncés dans la roche que jamais le soleil ni la lune n’y faisaient passer le moindre rayon. La peinture pourrait bien être née dans le noir, éclairée de quelques brindilles, et presque aux portes de l’enfer, au bord d’un trou noir qui faisait tache en accrochant le regard… Pour Héraclite déjà, la nuit est le fondement de toute lumière.
De ce point de vue peut-être, les choses n’ont pas tellement changé. Il reste des femmes et des hommes, des peintres, qui font de leurs mains, les traductrices immédiates de leur pensée et de leurs émotions. Cette disponibilité du corps au service de l’art vient lentement sans doute. Il faut des années d’aller-retour, pour que de temps en temps le dessin réussisse. Quand les mots disparaissent, qu’ils n’ont plus rien à dire sous peine de ridicule, que les doigts fermés sur un morceau de fusain, un trait de pinceau ou une mine de plomb, laissent passer les lignes qui arrangent l’espace, que la parole est dans la main et la main dans la tête, l’homme devient soudé à la chair. Les peintures de Soutine, de Egon Schiele ou de Lucian Freud par exemple en attestent.
Francis Bacon le dit autrement : « Ça m’excite. Ça m’excite beaucoup. Je peins parce que ça m’excite »,[3] « Faire rentrer le réel profond des êtres dans l’image est une chose très excitante pour moi »[4], dit-il dans un entretien de 1984 avec Jacques Michel. Il poursuit : « Le grand art est toujours une manière de concentrer, de réinventer ce qu’on appelle réel (…)[5] ». « L’art c’est vouloir qu’une chose se rapproche le plus possible du réel »[6]. Le réel entendu par lui comme la vérité des êtres humains, autrement dit, une position de jouissance dévoilée, déchirée dans l’image du corps.
Ma question serait donc celle-ci, je vous l’adresse : quel réel dénude, chez chacun, son petit musée privé ? Cette question je la laisserai ouverte bien sûr, j’évoquerai seulement la réponse d’un jeune homme de 15 ans, que les psychiatres pouvaient diagnostiquer autiste Asperger, parlant le russe et le français. Premier prix de violon à l’Académie de musique de Moscou. À ma question de savoir pourquoi il continuait le violon, il eut cette réponse définitive : « C’est pour trouver une émotion dans les yeux de ma mère ». Trouver, dit-il, et non pas re-trouver… De la musique à la peinture, au fond, n’est-ce pas toujours le cas ?
L’artiste, écrit Freud, a sacrifié quelque chose dès son enfance. Il s’interrogera plus d’une fois : comment font-ils (les artistes, les poètes) pour arriver si vite là où la pensée analytique advient si lentement, si péniblement. « Ils sont toujours devant », dira Lacan des artistes. Pourquoi nous précèdent-ils ?
La psychanalyse partage avec l’art une ambition, celle de transformer la jouissance. L’art en fait signe, représentation, image ou sculpture ; la psychanalyse déchiffre la jouissance et doit pour cela en passer par l’inconscient pour interpréter et traiter le symptôme. Pour le sujet, la jouissance est vécue comme un excès qui cause l’angoisse, angoisse du réel qui ne doit rien au langage. Le sujet lui donne alors une connotation négative.
Et l’artiste alors ? De là où ils sont, si vite, si tôt, proches et irrattrapables, ils ne cessent de faire signe, à chacun, et sans doute plus encore, de manière plus pressante, aux analystes. L’énigme du geste artistique, que Freud désigne comme effet d’un destin pulsionnel très particulier – la sublimation -, ne laisse pas les analystes tranquilles. Nombre de textes en témoignent.
La tâche analytique conduit à « Démasquer le Réel »[7], selon la juste expression de Serge Leclaire, lentement, douloureusement parfois, et c’est bien là, là où le réel se démasque, là où il s’agira, ce réel, de le viser, qu’on peut penser arriver, là où les artistes adviennent autrement, plus vite, plus tôt. Et si les modalités pour border le réel ne sont pas les mêmes en art et au décours d’une analyse, essayer d’écouter autrement dans ces carrefours, n’est pas sans effets sur l’analyse et la direction de la cure. C’est aussi le pari de cette journée. Il sera donc question aujourd’hui des frontières et des croisements dans ces lieux que les frontières dessinent.
En même temps qu’on a cessé de prendre pour un « patient » celui qui fait une analyse, dans la mesure où l’on sait qu’il devient analysant et comme tel actif, l’artiste, lui, tout aussi actif trace son propre parcours. Silencieuse, comme l’analyste en fonction, l’œuvre d’art fait parler…. en lieu et place des représentations qui viennent à l’artiste, c’est à dire en lieu et place des mots qui ne lui viennent pas …puisqu’il les donne à voir. Un Dire visible alors ? En apparence seulement ! Il y a dans l’œuvre d’art un savoir supposé qui attend son commentateur, son « regardeur » comme nous le dira cet après-midi Anne Langlois.
Entre-temps, on en jouit, et de cette jouissance le spectateur à l’occasion en parle ; autrement dit il arrive qu’avec l’œuvre d’art, ce spectateur commence à être en position d’analysant. L’artiste, lui, il n’en a cure, il continue de produire, de peindre, de sculpter, de cheminer. Bien entendu les formes de ce cheminement ne sont pas indifférentes à l’histoire et à la subjectivité de notre époque. Dès que le premier psychanalyste fit l’étude d’une œuvre[8], il comprit qu’il lui en était remontré quant au savoir qui concerne l’artiste. Et si l’artiste méconnaît ce qu’il sait dans ce qu’il fait, c’est de l’ordre du nécessaire.
Si toute la recherche psychanalytique est traversée d’exemples pris au domaine de l’art, Lacan nous offre de nouvelles bases de lecture. Il offre sa dignité à la création artistique, – dignité qui manque cruellement à notre époque, n’est-ce pas ? Lacan souligne par exemple qu’à l’horizon de toute création se profile, non une simple re-présentation fantasmatique mais une genèse, quelque chose comme un point vide, un trou, un réel, attesté par les artistes dans l’expérience qu’ils en font.
L’art nous offre ainsi, un champ où cette jouissance paraît apprivoisée. Ainsi Lacan affirme-t-il du peintre : « il donne quelque chose en pâture à l’œil, mais il invite celui auquel le tableau est présenté à déposer là son regard, comme on dépose les armes[9] ». (Déposer les armes, c’est à dire lâcher sa stature phallique…).
Mais il arrive que l’art exacerbe l’angoisse. Il arrive aussi que l’art refuse de servir la pacification et nous renvoie à une inquiétante étrangeté. « Le psychanalyste n’éprouve que rarement l’impulsion de se livrer à des investigations esthétiques », affirme Freud au début de L’inquiétante étrangeté (1919). Et dans son article Le Moïse de Michel-Ange (1914), Freud déclare qu’il voulait saisir pourquoi des œuvres poétiques, les arts plastiques, ou la peinture, exerçaient sur lui un « fort effet ». Il croyait donc pouvoir produire un savoir sur la jouissance que lui procuraient ces œuvres d’art. La psychanalyse n’a pas seulement affaire aux pulsions et aux affects, ainsi Freud ne limite pas l’esthétique à la « théorie du beau » mais la définit aussi comme « la théorie des qualités de notre sensibilité[10] ».
Lacan ne dit pas autre chose quand il souligne que l’esthétique « c’est ce que vous sentez ». Il la réfère plutôt au corps, mais pas à n’importe quel corps. Ni dans la psychanalyse, ni dans l’art, le corps ne saurait être abordé de manière naïve. Décerné par le langage c’est un corps complexe : morcelé, désirant, sexué, qui est l’expression d’une satisfaction sauvage et douloureuse de la pulsion.
Dans l’art se créent des œuvres qui sont, elles aussi, des symptômes puisqu’il faut les déchiffrer. Mais ces symptômes éveillent nos désirs en proposant des images et langages nouveaux à notre sensibilité. Ils nous donnent ainsi des aperçus sur les régions les plus opaques de notre propre jouissance. C’est la peinture qui alors nous regarde.
On connaît la thèse freudienne, célèbre : notre civilisation est construite sur la répression des pulsions. Elle se fonde d’une cession par chacun d’un renoncement à certains modes de satisfaction pulsionnelle. En affirmant que ces sacrifices constituent le fonds culturel commun, Freud posait une équation inédite : les plus admirables réalisations de la civilisation ne sont que du sexuel sublimé. Le concept de sublimation vient alors intimement conjoindre renoncement pulsionnel et productions artistiques, et dire leur homogénéité. Pour sa part, Lacan dira plus radicalement qu’il s’agit d’élever un objet à la dignité de la Chose.
Je m’engouffre dans cette brèche ouverte par Lacan pour souligner, mais vous l’avez entendu, que l’option du futur artiste concerne le regard. On pourrait en effet considérer le geste artistique dans ce qu’il a de nécessaire, d’impératif, d’absolu, comme l’équivalent de la diversion exigée pour déplacer la douleur. Une douleur essentielle, qui affecte le regard. Très tôt.
Pourquoi très tôt ? L’expérience dite de la première satisfaction est ici essentielle, c’est un premier éveil à l’aube, par l’Autre, et elle est irrattrapable, elle est perdue. Il s’agit du sacrifice de quelque chose, dit Freud, dès l’enfance. Un jour, un beau jour, l’infans réalise que prenant le sein, il saisit, en même temps qu’il ne saisira jamais plus, ce que Paul Eluard nomme joliment « le nuage éblouissant des seins »[11]. Éblouissant ! Entre réaliser l’au-delà du sein nourricier et le perdre aussitôt, au-delà de la faim et de la satiété, se creuse la voie d’une quête pulsionnelle, asymptotique, infinie, impossible. L’expérience de satisfaction appelle donc avec elle, le premier trauma, l’impossible retour du même, l’assignation du sujet à la tension de sa quête… Marie-José Latour nous parlera tout à l’heure dans sa contribution de « L’enfance de l’art ».
Je souligne ceci : la première vague pulsionnelle, dit Freud, celle qui surgit dans ce décollement du besoin et de ce qui deviendra le désir, se perpétue durant toute l’existence sans changements, les autres vagues, elles, entrent dans le système des représentations et de la répétition. La douleur se présente donc comme l’envers de la satisfaction première et vient avec l’émergence de la pulsion, orale par exemple, et avec la déchirure du monde clos : le regard.
Mais pourquoi douleur et satisfaction vont ensemble ? L’enfant au sein est une « pure conscience » dit Freud. Puis il crie, (Jacques Adam nous en parlera avec précision cet après-midi) et le cri va trancher sur la surface silencieuse de son monde. En proie à la détresse de son besoin, il crie, mais il crie aussi à cause de cette chose, Das Ding, à cause de l’insaisissable dans l’autre qui est pourtant si proche[12]. Il crie à cause de l’étranger, ce qui ne lui appartiendra jamais et ne lui sera d’aucun recours. Il crie à cause du hurlement de la vie en somme qui déchire l’indifférencié. L’Autre apparaît avec le cri.
Le cri s’apaisera bientôt car le semblable, la mère, répond. Cette part de l’Autre fait de ce cri qui ne s’adressait pas à elle, un appel. Torsion ineffaçable d’une perte radicale, c’est le semblable qui transforme en appel ce qui ne s’adressait pas. Et la suite des cris devient domestique, s’apprivoise. Cependant, entre la chose étrangère – le cri qu’elle fait naître et qui la révèle – puis les mots qui viendront de la transformation du cri en appel, un silence apparaîtra, un invisible demeurera, toujours : réel.
Le premier cri ne devient pas parole, c’est un Dire qui ne se sait pas, un Dire qui ne se voit pas, invisible, il est cri et silence à la fois…, amorce de la lalangue, bien qu’il soit condition même de la parole. L’enfant-artiste maintiendra inconnu en soi le sillon silencieux et la trace du premier cri que recouvrira la terre, la pâte, la matière du langage. Comment ? Sinon en élevant un objet à la dignité de la Chose, muette et invisible ?
C’est donc progressivement que l’enfant s’éloigne du réel. Avant qu’il ne se reconnaisse dans le miroir, et qu’il y ferme son horizon dans une image, dans une couleur et dans une forme, l’enfant sorti du berceau pourra alors, peut-être, passer du cri au rire. N’est-ce pas au réel qu’il rit l’enfant-artiste ? A quoi donc ? Que déjà regarde-t-il ? Un trait de lumière qui enfin se dessine au dessus de lui, le bleu du ciel, la tache du soleil sur le mur, l’ombre découpée du nuage, le bruit du vent, à n’importe quoi qui fait ouverture, et fixe le regard sur une tache, un accro, un trou, une salissure, une bizarrerie. Le regard comme réponse au reste du premier cri…
Ce petit rien anime le corps pour l’impossible saisie d’un réel toujours au-delà. C’est ce petit rien qu’il oubliera dans la jouissance qui fera son œuvre. Autrement dit, le principe de l’action de l’artiste ne serait pas de re-trouver un objet, mais bien de le trouver, il peut ainsi désespérer de ne pas maîtriser ce qui lui échappe. L’artiste ne renonce pas au faire, c’est la grammaire de son art.
Faut-il se risquer à proposer qu’il y a dans la peinture un petit quelque chose, un presque rien, qui accompagne et suspend le réel, sans le masquer, le tient à distance, ouvre un imaginaire pour que la douleur ne soit ni terrassante, ni non plus anesthésiée, et pour retenir aussi une part de jouissance toujours déjà à côté du sujet ? En conséquence, ne faut-il pas penser qu’il n’y a de l’artiste qu’au moment de l’acte, du geste artistique, comme il n’y a de l’analyste qu’au moment de l’acte analytique ?
Je termine cette introduction par une question : Comment s’éprouve le fait qu’il n’a fallu qu’une contingence, qu’un accident, pour qu’en absence de l’autre, à cause d’une fenêtre assaillie de soleil, à cause d’un soleil noir aussi bien, une douleur soit dépassée jusqu’à produire ce qui nous regarde ? Ainsi, tout art viserait-il à montrer le travail du silence et l’aube d’une parole ? Un Dire silencieux et premier, invisible en somme ! Un mixte nécessaire entre l’éloquence de l’image et sa parole muette ?
[1] WAJCMAN G., L’Œil absolu, Denoël, Paris, 2011.
[2] BRÉHIER L., La querelle des images, Revue des Études Byzantines, Échos d’Orient, Année 1905, Volume 8, N° 50, p. 60.
[3] Entretien de Francis Bacon avec Henri-François Debailleux, Journal Libération, 27 septembre 1987.
[4] Entretien de Francis Bacon avec Jacques Michel, Journal Le Monde, 03 novembre 1971.
[5] Entretien de Francis Bacon avec Jacques Michel. Le Monde, 26 janvier 1984.
[6] BACON F., Entretiens avec Jean Clair, Édition Carré, Paris, 1996.
[7] LECLAIRE S., Démasquer le réel, Seuil, coll. Le Champ freudien, 1983.
[8] FREUD S., La Gradiva de Jensen, 1907.
[9] LACAN J., Le Séminaire. Livre XI. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Paris, 1973, p. 93.
[10] FREUD S., L’Inquiétante étrangeté, traduit de l’allemand par Bernard Féron, Paris, 1985, Gallimard, p. 213.
[11] ELUARD P., Capitale de la douleur, Préface d’André Pieyre de Mondiarques, Première parution Gallimard en 1964, Coll. Poésie/Gallimard, Paris, 1966.
[12] Freud appelle complexe du prochain, du Nebenmensch (l’humain d’à côté) ce mixte du semblable et de l’étranger, complexe car le prochain s’y clive. Le semblable est repéré par l’activité hallucinatoire puis de recherche et devient le support de futures identifications. L’Étranger, l’Autre – demeure irrattrapable par les voies du symbolique.