Ouverture
Avec son thème « Bruit et fureur de la pulsion de mort », les prochaines Journées nationales de l’EPFCL-France, qui auront lieu à Toulouse, vont nous ramener au cœur de l’expérience de la psychanalyse et nous mettre face aux questions cruciales qui se posent aux analystes s’agissant de donner un avenir à l’expérience inaugurée par Freud au début des années 1920. Oui, au début des années 1920, précisément… Même si tout commença vingt-cinq ans plus tôt, c’est bien à partir de la formalisation de l’« au-delà du principe de plaisir » et de l’instinct de mort que la psychanalyse est réellement devenue la nôtre, soit celle dans laquelle aujourd’hui nous nous reconnaissons, avec Lacan. Il y a bien un avant et un après qui change la psychanalyse et le psychanalyste, Freud le premier.
Du bruit, et sans doute aussi pas mal de fureur, il y en eut au sein du cercle analytique de l’époque ; cet instinct de mort n’y a pas du tout fait l’unanimité. Sur quel point ? Passons sur le refus du changement des habitudes prises, de pensée ou de faire, et l’agressivité qu’il a pu induire. Passons aussi sur l’interprétation de la biographie de Freud : non, rien ne permet de dire que les malheurs de la vie (la Grande Guerre, la maladie [1], la mort de sa fille Sophie [2]) venaient tro p résonner dans les élaborations d’un homme qu’on disait faible et vieillissant. Retenons plutôt qu’en définissant un tel au-delà, déduit de l’équation nouvellement posée de sa propre clinique, Freud franchit un pas sans retour possible, que tous n’ont pas pu suivre. « Aporie véritable de la doctrine [3] », nous dit Lacan, de s’ouvrir sur une énigme absolue. Il confère à l’acte analytique sa décisive dimension tragique, son enjeu de jouissance. De la place de la pulsion de mort, Freud aura ce mot en permanence, que Lacan fera sien : nécessité – éthique s’entend –, avec ses conséquences s’agissant de politique de la psychanalyse.
Notre thème cette année nous offre le temps de reformuler nombre de nos questions, de repenser nos références et nos expériences à cet égard, et puis d’aller à la rencontre de leur pertinence doctrinale et clinique d’aujourd’hui. S’il est passionnant en effet de voir comment la négativité de la découverte de Freud de l’au-delà du principe de plaisir trouve ses prolongements et ses dépassements théoriques les plus essentiels pour nous dans l’enseignement de Lacan, cela n’enlève pas la responsabilité de savoir ce qu’en fait, et peut en faire l’analyste dans ce monde qui est le nôtre.
À partir de l’engagement de nombreux collègues, le programme de ces deux jours de rencontres tiendra ses promesses. Couvrir un moment le bruit et la fureur de notre temps ; approcher ce principe de jouissance en quoi consiste le travail silencieux de la pulsion de mort ; puis se donner à nouveau pour ces journées nationales la chance que nous partageons, celle d’une toujours nécessaire réinvention de la psychanalyse. Tout est fin prêt à Toulouse, et vous sachant déjà nombreux à préparer votre voyage au pays des poètes du gay sçavoir, nous nous réjouissons de vous y accueillir une nouvelle fois.
François Terral
Responsable des Journées nationales avec Nicole Bousseyroux
Ouverture
Séminaire École
J. Lacan, D’un discours qui ne serait pas du semblant Séance du 17 février 1971
- p. 6 J. Lacan
- p. 7-17 Dominique Touchon Fingermann
- p. 18-38 La leçon dite sur l’écrit et la parole – Les graphouillages et le jaspinable, le zi et le wen, le chinois et le japonais, l’inconscient et la talking cure Karim Barkati
Du sexe
- p. 40-45 Les semblants de la surmoitié Colette Soler
- p. 46-52 L’acte sexuel représente le silence Armando Cote
Journées nationales de l’EPFCL
Bruit et fureur de la pulsion de mort
Toulouse, 23 et 24 novembre 2024
Préludes
- p. 66-68 Bruit et fureur dans les institutions psychanalytiques Panos Seretis
- p. 69-72 Sports ou activités extrêmes et pulsion de mort ? Didier Castanet
Trauma
- 74-83 In memoriam. Guerre et trauma Stéphanie Gilet Le Bon
- p. 84-93 Comment parler de ce qui traumatise ? Dominique Marin
L’enfant, symptôme
Brèves
Fragments
↑1 | De 1919 à sa mort, Sigmund Freud est soigné d’un grave cancer du maxillaire supérieur. |
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↑2 | Sophie Halberstadt-Freud (1893-1920), la mère de Ernst (1914-2008), le petit-fils qui jouait à lancer sa bobine… Il deviendra psychanalyste. |
↑3 | J. Lacan, « L’agressivité en psychanalyse », (1948), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 102. |