Assignation, c’est-à-dire ?

Intervention de Dominique Marin, prononcée lors du stage du Collège de Clinique Psychanalytique de l’Ouest intitulé « Jeunesse, sexualités, modernité » à Rennes le 5 avril 2024

 

 

Le terme d’assignation tel qu’il est employé aujourd’hui renvoie d’abord à la notion de genre. Je voudrais apporter ma contribution en élargissant son usage à un autre domaine, celui du phénomène dit d’emprise. Dans les deux cas, je voudrais montrer que l’assignation venue de l’Autre ne va pas sans une (ré)assignation du sujet qui passe par son discours intérieur, précisément par un « se dire ».

Le terme d’assignation vient de la justice. Lorsqu’un citoyen est convoqué par un juge, il reçoit une assignation à comparaître par le biais d’un huissier ou encore par décision juridique, il peut être assigné à résidence. Son emploi a gagné le débat sur le genre dont je ne vais pas faire l’historique, surtout après ce qu’a pu en dire Roger Mérian dans son intervention introductive très éclairante. Être assigné à, en particulier, être assigné à être, voilà bien ce qui est contesté par rapport à l’identité de genre liée au sexe anatomique. Tout sujet aurait le droit de choisir son appartenance, voire d’inventer son appartenance à un genre.

Les autrices de La fabrique de l’enfant-transgenre[1], Caroline Eliacheff, pédopsychiatre et psychanalyste, et Céline Masson, également psychanalyste, s’alarment du fait que la législation tend à autoriser les enfants à s’autodéterminer, et donc à avoir accès à une prise en charge adéquate, de plus en plus jeunes. Dans certains pays, on voudrait pouvoir admettre qu’un enfant âgé de deux ans ait le droit d’être accompagné dans son vœu de changement d’identité genrée, d’abord en ayant la possibilité de changer de prénom et de porter des vêtements de son choix, puis en ayant accès à des inhibiteurs de puberté. La question se pose de l’âge minimal : quatorze ans, seize ans, ou la majorité, pour ce qui concerne l’administration d’une hormonothérapie et les interventions chirurgicales, comme l’ablation des testicules ou des seins.

Rien d’étonnant à ce que de jeunes sujets s’aventurent vers les solutions que la société propose et se saisissent des signifiants nouveaux qui circulent. Ceci indique d’abord que ce qu’un sujet habite n’est pas seulement un corps ; il habite aussi le langage. Lorsqu’un sujet se présente chez un psychanalyste, il est courant de constater qu’il se présente sous les signifiants qui circulent dans le discours courant : « Je suis bipolaire, HPI… » Combien de parents aujourd’hui n’hésitent-ils plus à choisir des prénoms non genrés pour leur enfant !

On connaît ce mot de Lacan dans son séminaire XX, Encore, « les hommes, les femmes et les enfants, ce ne sont que des signifiants[2] », et en tant que tels, ils ne trouvent leur signification que dans les rapports que ces signifiants entretiennent entre eux. Qu’un sujet choisisse de se ranger sous un de ces signifiants suppose un mécanisme identique, quel que soit le signifiant élu. Aussi ai-je choisi un signifiant quelconque pour l’illustrer avec un exemple emprunté à un philosophe. Je reprends la partie d’un chapitre d’un article que j’ai rédigé pour un numéro de L’en-je Lacanien, le n° 38[3].

Un exemple d’assignation – De Genet, un mot vertigineux

Jean-Paul Sartre a consacré un livre à l’écrivain et dramaturge Jean Genet, intitulé Saint Genet, comédien et martyr. Sartre décrit l’enfant Genet, confié à l’âge de sept ans par l’Assistance Publique à une famille de paysans du Morvan, comme un garçon très pieux aspirant à une heureuse sainteté. Il imagine que l’enfant aurait plongé sa main dans un tiroir de la cuisine où il était en train de jouer : « Soudain … un mot vertigineux. Venu du fond du monde abolit le bel ordre… Une voix déclare publiquement : « Tu es un voleur. » Il a dix ans. Cela s’est passé ainsi ou autrement[4]. »

Et peu importe que cela se soit passé autrement ; la logique mise en avant par Jean-Paul Sartre nous intéresse car elle touche à ce que fait un sujet de ce que l’on attend de lui, dit de lui, de ce qu’on lui dit, ce qui est parfaitement imprévisible. Ainsi, Sartre écrit-il justement que « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous. » Il est convaincu que la réponse de Genet à la parole qui le désigne comme voleur lui fera écrire plus tard : « J’ai décidé d’être ce que le crime a fait de moi[5]. »

Là encore, si cela s’est bien passé ainsi, nous avons une énonciation d’où se décide une position dans l’existence. Sartre en déduit le goût prononcé pour le passé, force peu commune de la nostalgie du paradis perdu de l’enfance chez Genet, mais aussi son goût pour la métamorphose et le travestissement, si présents dans son théâtre, ainsi qu’une puissante tendance à une culpabilité faisant du crime une solution : « Il ne trouve pas d’autre moyen que de partager le dégoût qu’il leur inspire [à tous ceux qui le traitent de voleur], que de se mépriser avec leur mépris[6]. »

Sartre utilise la philosophie présentée dans L’être et le néant pour écrire ces pages sur Genet, qui datent, il faut le souligner, du début de l’enseignement de Lacan, 1952. Jean-Paul Sartre s’emploie à montrer la dialectique entre l’être pour soi et l’être pour l’Autre. Il considère que Genet « juge que l’apparence (ce qu’il est pour eux) est la réalité et que la réalité (ce qu’il est pour soi) n’est qu’apparence. C’est sa certitude intime qu’il sacrifie au principe d’autorité ; c’est la voix du cogito qu’il refuse d’entendre, c’est au plus profond de sa conscience de soi qu’il se donne tort[7]. »

En utilisant le vocabulaire de l’existentialisme, nous pourrions parfaitement considérer le gain de la logique de réassignation à partir de l’assignation venue de l’Autre. Le sujet s’approprie les paroles prononcées par l’Autre, « tu es… », par un acte d’énonciation, « je suis ce que l’Autre dit que je suis ». L’être pour-soi est facticité selon Sartre puisque, toujours, « cet être est fondement de soi comme défaut d’être[8]. » On n’est pas loin de la définition lacanienne du manque à être sous lequel tombe le sujet dès sa prise dans le signifiant.

La plume de Jean-Paul Sartre reste une source précieuse d’enseignement dans ce qui « s’est passé ainsi ou autrement » pour Genet. Elle conduit à la frontière entre « l’aspect singulier » du langage et « le contenu universel et socialisé des mots[9] ». Sartre va même jusqu’à citer un élément autobiographique de Michel Leiris dans Biffures. Enfant, il joue avec des figurines, des soldats, en fait tomber une et la ramasse en pensant qu’elle s’est peut-être abîmée. Michel Leiris souligne l’importance de ce jouet par le fait qu’il lui appartient : « l’essentiel, c’était qu’il y eût quelque chose m’appartenant qui fût tombé ». Il ramasse le jouet « en grand danger d’être cassé », et exprime sa joie de le trouver indemne en s’écriant : « … Reusement ! » Le fait que quelqu’un dans l’entourage surprenne son erreur et le corrige en lui expliquant que « c’est heureusement qu’il faut dire » coupa court à sa joie, ouvrant à un sentiment curieux dont l’auteur veut rendre compte pour en « percer l’étrangeté ». La fin du chapitre mérite d’être citée : « L’on m’a repris. Et, un instant, je demeure interdit, en proie à une sorte de vertige. Car ce mot mal prononcé, et dont je viens de découvrir qu’il n’est pas en réalité ce que j’avais cru jusque-là, m’a mis en état d’obscurément sentir – grâce à l’espèce de déviation, de décalage qui s’est trouvé de ce fait imprimé à ma pensée – en quoi le langage articulé, tissu arachnéen de mes rapports avec les autres, me dépasse, poussant de tous côtés ses antennes mystérieuses[10]. »

En fin observateur, Jean-Paul Sartre note qu’il y a peu d’enfants qui échappent à cette « stupeur devant l’étrangeté de la parole humaine ». La jouissance singulière du mot ainsi déformé, « Reusement ! », doit s’effacer devant l’usage universel du mot heureusement dans une emprise qui dépasse le sujet. Pour l’enfant Genet, Sartre imagine que cela s’est passé d’une façon plus radicale, puisque ce n’est pas une chose lui appartenant qui lui échappe, et dont, après tout, il pourrait facilement se séparer, un soldat de plomb, une expression à voix haute sous forme de jaculation, mais c’est l’être entier de Genet qui est visé, dénommé et rendu public. Alors que l’enfant Leiris cessera d’employer le cri de joie « … Reusement ! », nous pourrions dire qu’au contraire Jean Genet ne cessera de s’attacher au mot introduit par l’Autre et qu’il se l’approprie. C’est ainsi que l’on peut lire le propos suivant de Jean-Paul Sartre concernant l’assignation faite par l’Autre : « L’enfant la reprend, la répète à mi-voix, pour lui-même [je souligne]. Alors que l’homme normal dit son malheur pour être compris des autres, donc semblable à tous, Genet, abandonné de tous, redit sa plainte sans témoin pour être compris de soi seul, donc pour être davantage soi-même : au lieu que la singularité se socialise, c’est l’universel qui devient un moyen de réaliser le singulier[11]. »

Selon Sartre, Genet se réalise comme objet de jouissance pour ceux qui le condamnent comme voleur, dès lors qu’il reprend à son compte le mot vertigineux. « Il crie : “ Je suis un voleur ”. Il écoute sa voix […] de l’enfant truqué nous avons fait un poète ; il est hanté par un mot, un seul mot qu’il contemple à l’envers, et qui contient son âme[12]. »

Si cela s’est passé ainsi, et pas autrement, nous pouvons dire avec Lacan que par son mot vertigineux, répété en son discours intérieur comme le suppose Sartre, Genet s’est fait poème qui ne cesse de s’écrire, un voleur qu’il s’est dévoué à être pour faire exister un Autre le désirant tel.

C’est à mon avis ce qui fonde la logique de la sentence de Lacan sur le sexe, dont la responsabilité dernière revient au sujet : « L’être sexué ne s’autorise que de lui-même […] et de quelques autres[13]. » Il s’agit d’un acte lié au dire – « le sexe, […], c’est un dire[14] » – que je tiens comme la marque du sujet dans son lien à lalangue, frontière entre l’aspect singulier du langage et son versant symbolique.

Nous en avons un exemple, très clair, dans l’enseignement de Lacan pour rendre compte de l’hystérie. Je cite son séminaire XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant : « toute femme est l’énonciation dont se décide l’hystérique[15] ». Certes, Lacan n’emploie pas encore la notion de dire mais d’énonciation, pourtant cette formule de l’hystérie en prépare l’émergence, celle que nous trouvons de manière plus explicite l’année suivante dans son article L’étourdit (1972) : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend[16]. »

Vous comprendrez le crédit que j’accorde à la formulation d’un linguiste, fin lecteur de Lacan, qui ajoute un pronom possessif à cette assertion que nous répétons si souvent. Gabriel Bergounioux reprend et transforme cette affirmation qui constitue l’un des axes majeurs de son ouvrage, Le moyen de parler : « Qu’on dise, c’est-à-dire qu’on se dise, reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend[17]. »

La prise en compte sérieuse du discours intérieur à laquelle invite Lacan dès le séminaire III, Les psychoses, devrait permettre de mieux faire apparaître ce qui distingue la psychanalyse comme pratique, mais aussi comme interprétation de certains phénomènes sociaux. Par exemple, ça devrait nous aider à ne pas simplement imputer à la mère et à son désir, comme Autre incarné pour l’enfant, je ne sais quel pouvoir démoniaque sur le sujet naissant. J’ai, en effet, l’impression que des analystes interprètent parfois le film Petite fille de cette façon. Le désir de la mère d’avoir voulu ou de vouloir une fille serait le vrai et seul élément déterminant dans le choix de son fils de vouloir devenir une fille. Qui peut le dire, sinon le sujet concerné ? Il y a une pensée magique en psychanalyse, qui fait encore croire que les désirs, les rêves, les secrets des parents constitueraient un héritage que les sujets contracteraient de façon quasi automatique.

Phénomène d’emprise et discours intérieur

Concernant la sexualité entre des mineurs de moins de quinze ans et des adultes, on assiste en ce moment-même en France à une série de dénonciation de relations d’emprise, qui se situe dans le mouvement de libération de la parole des victimes de violences sexuelles #Meetoo. Ce mouvement a pris son essor en 2017 dans le milieu du cinéma nord-américain, et depuis quelques mois, on voit ce même phénomène apparaître chez nous. Comme il met en cause des personnalités fort connues, des acteurs et des cinéastes, on en parle. Au moment où j’écris ces lignes, la comédienne Judith Godrèche, lors de la cérémonie des Césars 2024, a prononcé un discours sur le fait qu’elle a porté plainte contre un réalisateur avec lequel elle a eu une relation de ses quatorze ans jusqu’à ses vingt ans, pour dénoncer une relation d’emprise. Dans son discours, elle explique que 2000 personnes lui ont envoyé leur témoignage, quatre jours après qu’elle ait annoncé publiquement sa décision de porter plainte pour viol aggravé sur mineur de moins de quinze ans. Ce qui a retenu mon attention est cette petite phrase qu’elle a formulée pour expliquer son silence d’une trentaine d’années : « Pour se croire, encore faut-il être cru. » Vous noterez la logique en cause, toujours la même : le terme, au sens de dernier élément déterminant, reste le « se croire », qui passe forcément par un « se dire ».

Il est évident que les avancées les plus récentes du féminisme permettent de lever le voile sur des pratiques et une culture machiste inacceptables. Reste que la psychanalyse n’a pas à tomber dans le panneau qu’est le terme de relation d’emprise, et ce, malgré la forte incidence des mœurs de l’époque en question.

Le consentement[18], écrit par Vanessa Springora, relate une expérience assez similaire avec une personnalité du monde littéraire, nommée seulement G M, très en vogue dans les années 80. Son récit rappelle l’existence d’une pétition rédigée par de nombreux intellectuels pour que la justice laisse tranquille des adultes entretenant des relations sexuelles avec des mineurs de moins de quinze ans, sous prétexte qu’elles seraient consenties. La psychanalyse n’a pas à se prononcer, ni sur les mœurs ni sur la loi, mais sur ce que le sujet fait des conditions qui lui sont faites par son époque. Le témoignage de Vanessa Springora est très éclairant, car on peut y lire ce qui l’a détruite dans cette relation : c’est un livre écrit après sa rupture avec G M, qui raconte leur histoire. Le choc a été tel qu’il lui a fallu une injection de Valium. Elle raconte aussi l’inanité des psychothérapeutes qu’elle a rencontrés ensuite : ils voulaient la convaincre, comme si ça pouvait l’éclairer, qu’elle avait eu affaire à un prédateur sexuel. Imaginez un instant, juste une minute, que Freud se soit contenté de dire à Dora : « ma pauvre, vous êtes tombée sur un prédateur » ! Au contraire, comme nous le répétons depuis que Lacan l’a formulé, Freud l’a tout de suite invitée à répondre de la part qu’elle prenait dans le désordre qu’elle dénonçait.

S’il y a une emprise à chercher, on ne peut pas se contenter de la chercher dans les mœurs en vogue dans telle société à tel instant ; la sociologie n’est pas d’une grande aide. Pour la psychanalyse, la seule emprise qui compte, car c’est sur elle qu’elle a le devoir d’agir, est le fantasme qui détermine le sujet dans ses choix, ce que confirme parfois, de façon nette, le témoignage de son discours intérieur. Dans le cas présent, il ne dépend ni de la perversion du partenaire, ni du désir de l’Autre, qui serait assimilé à celui de la mère, mais d’une « insondable décision de l’être », expression de Lacan concernant le choix de la psychose, dont il interroge l’ordre de causalité.

Et quand le sujet ne consent pas du tout, comme dans le cas d’inceste subi durant l’enfance ? Est-ce qu’on peut encore soutenir que le discours intérieur y est impliqué ? J’affirme que c’est le cas en m’appuyant sur un autre témoignage, qui est aussi une réflexion précieuse sur l’écriture et le langage. Lorsque Neige Sinno relate son expérience dans Triste tigre (Goncourt des lycéens 2023, ce qui est à relever), elle témoigne aussi des limites du verbe en soulignant très justement que « la vérité n’est pas dans le langage », et qu’elle n’est nulle part. Et pourtant, elle écrit dans le livre ce passage où elle parle de son beau-père, auteur d’un inceste qu’elle a subi très jeune.

« Et moi, qu’est-ce que je me racontais ? Qu’est-ce que se racontent les petites victimes ?

1) Si je ne le dis à personne, ça n’existe pas.

2) Tu as dû faire quelque chose pour mériter ça. Quelque chose en toi le provoque. Tu es une petite pute.

3) Tu es la préférée. Il te fait ça parce qu’il t’aime. Il t’a choisie[19]. »

Après le « je suis un voleur », voici une autre assignation ou réassignation : « je suis une pute ». Elle connaît les podcasts de Charlotte Pudlowski, qu’elle mentionne. Pour en dire un mot, Charlotte Pudlowski mène des enquêtes sur l’inceste en interrogeant des victimes. On peut se reporter à son livre Ou peut-être une nuit [20] ou encore à ses podcasts en six épisodes[21]. Ce livre et ses enregistrements audio permettent d’entendre comment elle-même a maintenu une sorte de voile sur ce qu’elle découvrait, en particulier sur l’inceste subi par sa mère. Vous pourrez mesurer par vous-même la participation de son discours intérieur dans le mécanisme de voile jeté sur ce que rencontre le sujet, et qui renvoie à la notion de dire existentiel. Charlotte Pudlowski se dit, comme Neige Sinno : « si je me tais, ça n’existe pas. »

Quand Lacan, dans son article L’étourdit, écrit que « le dire se démontre », et qu’il ne peut que s’inférer, puisqu’il échappe à l’ensemble de ce qui est dit, bien qu’il l’ordonne, il ouvre une nouvelle perspective pour la psychanalyse. Pour chaque sujet, l’analyse a à vérifier qu’on se dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend, soit à porter à jour le dire qui commande ses dits et par conséquent son existence. N’est-ce pas ce qui se démontre au travers du long commentaire de Lacan concernant Joyce ? Joyce a montré à Lacan qu’un sujet peut se passer du signifiant du nom du père, à condition d’user de sa fonction de nomination et dans son cas de se déclarer, dans le sens de se dire, Artiste avec un grand A. Pour ceux qui aiment le cinéma de Quentin Dupieux, je conseille de voir son Daaaaaalí ! qui montre bien, à mon avis, comment son incessant propos, « Dali est le plus grand des artistes vivants », le sauve de sa folie.

Peut-on concevoir la fonction de nomination dévolue au sinthome sans le discours intérieur ? Je ne le pense pas. J’insiste : je le pense d’autant moins que c’est sans doute pour cette raison que Lacan parle d’un sinthome-il et d’un sinthome-elle, soit d’une nomination qui ne vient plus du père de la réalité psychique réduite pour Freud au complexe d’Œdipe, mais plutôt du partenaire auquel le sujet s’apparente dans sa lalangue.

 

[1] ELIACHEF C. et MASSON C., La fabrique de l’enfant-transgenre, Comment protéger les mineurs d’un scandale sanitaire, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2022.
[2] LACAN J., Le séminaire Livre XX, Encore, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p.34.
[3] MARIN D., « Débat sur le genre. De l’ordre symbolique à lalangue (1ère partie) », L’en-je lacanien, n° 38, Le symbolique et la lalangue, Toulouse, Érès, 2022, p.11-29.
[4] SARTRE J.-P., Saint Genet, comédien et martyr, Paris, Gallimard, 2011, p.26.
[5] Ibid., p.63.
[6] Ibid., p.33.
[7] Ibid., p.47.
[8] SARTRE J.-P., L’être et néant, Essai d’ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 2013, p.122.
[9] SARTRE J.-P., Saint Genet, op.cit., p.56.
[10] LEIRIS M., « Biffures », in La règle du jeu, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2003, p.6.
[11] SARTRE J.-P., Saint Genet, op.cit., p.57.
[12] Ibid., p.54.
[13] LACAN J., Les non-dupes errent, Éditions de l’ALI (publication hors commerce), leçon du 9 avril 1974.
[14] LACAN J., Le moment de conclure, Éditions de l’ALI (publication hors commerce), leçon du 15 novembre 1977, p.10.
[15] LACAN J., Le séminaire Livre XVIII,  D’un discours qui ne serait pas du semblant, Paris, Seuil, 2007, p.155.
[16] LACAN J., « L’étourdit », in Autres Écrits, Paris, Éditions du Seuil, 2001, p.449.
[17] BERGOUNIOUX G., Le moyen de parler, Lagrasse, Verdier, 2004, p.169.
[18] SPRINGORA V., Le consentement, Éditions Grasset & Fasquelle, Paris, 2020.
[19] SINNO N., Triste tigre, Paris, P.O.L., 2023, p.110.
[20] PUDLOWSKI C., Ou peut-être une nuit, Paris, Grasset & Fasquelle, 2021
[21] https://louiemedia.com/injustices-2/ou-peut-etre-une-nuit