Intervention de David Bernard, prononcée dans le cadre du Collège de Clinique Psychanalytique de l’Ouest (CCPO), Septembre 2020.
Au thème de l’urgence, je proposerai d’articuler une formulation de Lacan qui pourrait lui apparaître contraire : « Faut le temps ». Plus précisément : « Faut le temps de se faire à être[1] », ainsi qu’il l’écrit dans Radiophonie. Cet aphorisme m’a semblé tout d’abord intéressant, car venant en dissonance avec cette urgence qui, au quotidien, fait de nous des femmes et des hommes pressé.es. Il se pourrait qu’elle nous permette d’autant mieux d’éclairer les fondements de ladite urgence. Encore faut-il pour cela situer au préalable chez Lacan cette question du temps dans son rapport à l’être : faut le temps… de se faire à l’être. Nous voici reconduits cette fois à la structure, et non plus aux seules nouveautés de l’époque. C’est là un point de départ habituel chez Lacan, qui éclaire la façon qu’il eut toujours d’interpréter le malaise de la modernité, et qui rejoint celle pour laquelle Heidegger avait aussi optée : se méfier de filer vers ce qui serait nouveau. « Trouver et découvrir du nouveau est l’affaire de la “recherche” et de la technique, écrit Heidegger. La tâche de la pensée, en son essence, n’est jamais que de dire le même, l’ancien, le plus ancien, l’initial, et de le dire de façon initiale[2]. » S’appliquer à dire l’ancien, au sens pour nous de la structure, est une position aujourd’hui quasi inédite, notamment à l’université, voire dans les Écoles de psychanalyse, où il y aurait urgence à dire toujours ce qui serait nouveau : nouveaux symptômes, nouveaux sujets, nouvelles jouissances…
Il est par ailleurs intéressant de constater que Heidegger souligna précisément ce point de méthode, à l’occasion de son grand ouvrage de 1927, Etre et temps. Il s’agissait alors pour lui de reprendre la question de l’être, telle qu’elle avait été posée par Aristote et Platon, avant d’être « tombée dans l’oubli[3] ». Et c’est à « répéter[4] » cette question, très ancienne donc, que le philosophe entendait qu’il se produise paradoxalement du neuf. Mais alors, quel neuf ? Ainsi que l’indique le titre de son ouvrage, une articulation entre l’être et le temps. Cette articulation était pour lui suffisamment fondamentale pour qu’il y revienne presque quarante ans plus tard, en 1962, lors d’une conférence intitulée cette fois « Temps et être ». De cette conférence, publiée en 1969, soit peu avant le texte Radiophonie, je retiens juste un point, qui me semble éclairant quant à l’apport de Lacan. Le philosophe s’appuie sur le fait que depuis l’antiquité, l’être signifie la même chose qu’un terme allemand, anwesen, désignant la présence. Plus précisément, ce terme signifie étymologiquement approche de l’être. Heidegger en conclut ceci : « Etre veut dire : avancée de l’être, se déployer en présence[5]. » Il y a de l’être non pas en un sens substantiel, mais au sens d’une avancée de l’être. D’où l’articulation structurale entre l’être et le temps. L’être est déterminé par le temps dans la mesure où il n’y a que la possibilité d’une approche de l’être, d’une entrée dans la présence. Réciproquement, le temps se verra défini à partir de l’être. Le présent équivaudra désormais à l’entrée en présence, le passé, à l’« avoir-été[6] », et l’avenir, selon une belle équivoque, à l’« à-venir [7]».
Il y aurait donc à distinguer la temporalité qui se mesure, qui se chiffre, en somme celle de la montre, de cette temporalité de l’être où celui-ci ne peut que s’approcher, et où il s’agit d’entrer en présence. Il y a un personnage qui me semble-t-il fait très bien apparaître la distinction entre ces deux dimensions, et qui n’est autre que Charlot. Ainsi que le commente de façon passionnante Adolphe Nysenholc, Charlot réussit à ne pas s’inscrire dans un temps socialisé, à commencer par celui du travail. Il est le plus souvent en retard. Autrement dit : en retard au regard de la demande de l’Autre, résistant à se faire son employé. Lacan avait défini la figure du bon employé : le moi fort, soit celui qui substitue à son propre désir la demande de l’Autre, attendant en retour de recevoir sa petite couronne. A cela s’oppose le personnage de Charlot, qui, lui, « a perdu son moi », qui est « un trou où tout tombe[8] », ainsi que le remarquait l’essayiste Kracauer dans un article magistral. Pour cette raison peut-être, Charlot est un homme de l’instant, sans cesse ouvert aux contingences, à ce qui lui arrivera. En cela, poursuit Nysenholc, l’important pour Charlot n’est pas dans le chiffrage des heures et des minutes. L’important est qu’il soit « présent, qu’il est là, […] Charlot semble vivre dans un éternel présent, […] cet instant perpétuel qui serait sa ponctualité[9] ».
Pas étonnant dès lors que ce drôle d’objet qu’est un réveil lui semble si étranger, et si vide d’intérêt. En témoigne une scène de Charlot chez l’usurier. Charlot y travaille comme employé. Un homme vient lui déposer un beau et vieux réveille-matin, attendant en retour qu’on lui prête de l’argent. Pour connaître la valeur de l’objet, Charlot se met alors à ausculter le réveil avec un stéthoscope, puis décide de l’ouvrir avec un ouvre-boîte, sous l’oeil médusé de son propriétaire. Muni d’une tenaille, il en retire une à une les pièces: ressorts, roues, etc… Au terme, le réveil se retrouvera sur l’établi totalement désossé, vidé des pièces qui le composaient. Charlot le porte à l’oreille : plus rien ne se fait entendre, ni tic-tac, ni coucou. Cet objet ne vaut rien. « Le temps n’est pas de l’argent, commente Nysenholc, c’est du vent, ça ne se vend pas… La déconstruction de l’objet est une destruction du temps[10] ». Par son geste et son ironie, Charlot nous renvoie à la vanité de ce temps que l’on voudrait maîtriser, chiffrer, gagner, pour laisser apparaître une autre temporalité, celle-là même peut-être que Heidegger articule à une advenue de l’être.
J’en reviens à Lacan. Sa proposition, « Faut le temps de se faire à être », me semble se référer à cet abord heideggerien de l’être, défini comme avancée, déploiement dans le temps. Mieux, cette proposition théorique qu’il fait, est elle-même à situer dans le temps. Quelques lignes plus haut, il fait en effet explicitement référence à ce moment où, exclu de la communauté analytique, il avait trouvé accueil en 1964 chez les philosophes de l’Ecole Normale Supérieure, par l’entremise de Louis Althusser, pour y poursuivre son séminaire. Très loin de se réduire à une simple historiette, cette référence historique est ici convoquée comme exemplaire de la place de la psychanalyse au regard de la vérité de l’être, de l’ontologie. « Je fis retour au réel de l’ENS, soit de l’étant (ou de l’étang) de l’Ecole normale supérieure où le premier jour que j’y pris place, je fus interpellé sur l’être que j’accordais à tout ça. D’où je déclinai d’avoir à soutenir ma visée d’aucune ontologie[11]. »
A ce séminaire, qui n’est autre que celui consacré aux Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Jacques-Alain Miller, alors étudiant en philosophie à l’ENS, avait en effet interrogé Lacan sur son ontologie. Il nous manque aujourd’hui la retranscription de cet échange, survenu à la fin de la leçon du 22 Janvier 1964. Toutefois la semaine suivante, Lacan revient sur ce dialogue, éclairant son refus[12] : l’inconscient ne peut prêter à aucune ontologie, dans la mesure où il ne constitue pas une substance d’être, mais au contraire un manque à être. Six ans plus tard, il revient donc sur ce commentaire, le précisant après Heidegger, dans une articulation de l’être et du temps : « Faut le temps de se faire à être. »
J’entre à présent dans ce que condense cet aphorisme, si subtilement. Tout d’abord, de quel être est-il ici question ? Le manque à être, disait-il, mais qu’il reformule ici un peu autrement : une « faille ». A Heidegger, qui questionnait les rapports de cet étant particulier qu’est le dasein, avec l’être, Lacan répond à partir de ce que l’inconscient nous enseigne : on ne peut en psychanalyse parler de l’être que comme faille. « Mon épreuve ne touche à l’être qu’à la faire naître de la faille que produit l’étant de se dire[13]. » De dire, et d’en passer pour cela par les signifiants, le sujet ne pourra advenir dans son être que comme faille, autre nom de ce que Lacan qualifiera comme parlêtre.
Il en résulte une conséquence majeure : celui qui s’imaginait être cause de lui-même, être maître de ses intentions et conduites, n’est en fait que le moyen d’un « désir qui le dépasse[14] ». Tel est son statut de sujet divisé, affecté par le désir inconscient qui se joue de lui. Toute la question devient donc de savoir de quelle façon le sujet pourra se faire à l’être, à cet être dont il ne peut être le maître, l’auteur, qui lui échappe et qui pourtant le constitue. Ici vient alors la référence au temps. Pour cela, « Y faudra le temps[15] ». Curieuse expression, quand même, y compris dans son écriture. Ecrire Y plutôt que il renvoie au style oral, à une façon de dire. Et pour cause, Lacan nous indique que par cette expression, il entend jouer du cristal de la langue française, autrement dit de ses équivoques et de ce qui dans ces équivoques, s’est déposé au cours de l’histoire, dans l’usage de cette langue. « Y faudra le temps, c’est du français que je vous cause, précise-t-il, pas du chagrin, j’espère[16]. »
Formidable nuance, faisant résonner combien l’affect de chagrin, si ce n’est de tristesse, peut être le signe de cette difficulté pour chacun de se faire à l’être. Ne dit-on pas dans la langue de tous les jours, à propos de la perte d’un proche, qu’il faudra du temps ? Seulement, pourquoi évoquer justement, sur la question de l’être et du temps, cet affect de chagrin ? La raison tient selon moi à ce que cet affect sous-tend : le sentiment d’impuissance. Il est en effet patent que dans ces contextes de deuil, il faudra au sujet du temps, quelle que soit à l’occasion sa volonté que ça aille plus vite. Ici aussi, quelque chose le dépasse, n’en déplaise aux fantasmes contemporains de toute puissance, d’urgence à faire son deuil, etc… Au gré de ces développements, Lacan fait ainsi apparaître une distinction entre un temps dont on serait le maître, que l’on pourrait commander, accélérer sur demande, en toute urgence, et ce temps qu’il faut, au-delà de toute velléité moïque.
Pour fonder cette distinction, nous pouvons alors nous reporter à la seconde équivoque que comporte l’aphorisme de Lacan, et qui porte cette fois sur le terme de Faut. L’étymologie de ce signifiant, faut, renvoie en effet précisément à la faille, via le verbe falloir. Cette étymologie fait ainsi apparaître un croisement, entre ce qui est du registre de la nécessité, ce qu’il faut, et ce qui aura failli, chuté. Faute de, dira-t-on en français… L’inconscient se présente alors comme l’autre nom de ce ratage, de cette faille qui se creuse quand l’être passe au dire. Pour cette raison, il est aussi ce qui déterminera le temps, non plus sur un versant imaginaire, mais réel. Puisqu’il y a des trous, « Y faudra le temps ».
Je relève enfin le futur ici employé, ainsi que Lacan le fait lui-même. Cela n’est pas sans évoquer l’équivoque dont il joua lui-aussi sur le terme d’à-venir, notamment à propos de l’acte analytique. S’adressant aux jeunes bacheliers de son époque, à celles et ceux qui pourraient être pressés de devenir, il avance que la psychanalyse n’a jamais cessé d’être un « acte à venir encore[17] ». Saisissante temporalité. L’acte qui fonde la pratique analytique, ne saurait en effet constituer une garantie de l’être, dès lors qu’il s’appuie précisément sur la faille constitutive du parlêtre. Nécessairement, il sera toujours à refaire, et en cela, se définira à partir du possible, pour le dire dans un terme aristotélicien, cher à Lacan. Telle est me semble-t-il la raison pour laquelle il a tenu à écrire sa proposition au futur. Enfin, que l’acte analytique soit à venir, ne concerne pas seulement les jeunes praticiens. Le risque est plutôt pour ceux qui se penseront installés, assis par leur expérience. « Heureux ceux qui sont en formation, dira ailleurs Lacan, ils laissent de l’espoir[18]. »
De là, j’en reviens alors à la question de l’urgence, et justement à son actualité dans le champ professionnel. Le « timing », comme l’on dit, de l’urgence me semble en effet paradigmatique de notre rapport au temps dans le discours capitaliste. A ce « Y faudra du temps », ce discours oppose la figure de l’individu. Pas de self made man, qui ne soit un homme en marche, pressé. L’individu, tel que profilé par le discours capitaliste, est celui qui se ferait petit maître des horloges, et soucieux d’une seule chose : l’accélération. Et pourquoi donc, si ce n’est que l’accélération est une façon de s’assurer que l’on commande bien le temps, pied au plancher, et qu’aucun réel ne se mettra en travers. En cela, accélérer est aussi une tentative de forclusion du réel de la castration. Aller vite, pour ne rien rater, se dit le consommateur. Nietzsche le relevait déjà : « On ne pense plus autrement que montre en main, comme on déjeune, le regard fixé sur les bulletins de la Bourse – on vit comme quelqu’un qui sans cesse “pourrait rater” quelque chose[19]. » Le discours capitaliste est celui qui, du ratage, fait quelque chose de possible, menaçant, coupable et angoissant. La psychanalyse dira plutôt sa nécessité structurale, et que là où est le ratage, le brouillon plutôt que la copie, il y a l’humain. Le « Y faudra du temps », supposait la nécessité de faire avec un impossible. Accélérer consiste en son rejet. Et c’est en quoi l’expérience d’un deuil, d’une perte, quelle qu’en fût la douleur, est aux côtés de l’amour l’une de ces expériences qui résistent encore aux idéaux du capitalisme.
« Circulez » est le fin mot du discours du maître. Il faudrait y ajouter : …plus vite, allez, plus vite bon sang ! La place de la vitesse et de l’accélération mériterait d’ailleurs d’être questionnée dans notre modernité. Pour exemple, ainsi que le relève Hélène L’Heuillet, dans l’une de ses lumineuses remarques : « L’invention moderne est toujours légitimée par l’économie de temps. L’aspirateur, les machines à laver, à sécher, à ratatiner les ordures ou à couper la friture dans l’énumération de Boris Vian, l’ordinateur et le smartphone, bref les robots en tous genres, ont pour point commun – supposé – de faire gagner du temps[20]. » Sauf que, ajoute-t-elle, ici commence une course infernale, dès lors que « Plus on va vite, plus il faut accélérer[21] ».
« Toujours plus[22] », donc, où nous retrouvons le principe de la logique surmoïque, qui fait le soutien de la logique capitaliste. Ajoutons-y la remarque de Lacan selon laquelle les sujets, dans ce discours, recevront le même statut que celui donné aux objets. Les voilà dès lors qui seront en effet pressés, à la mesure de la commande qu’ils recevront d’aller toujours plus vite. Le toujours plus, ajoute Hélène l’Heuillet, touche désormais au rythme. « Plus quelqu’un s’adapte au rythme de la productivité, de la “réactivité”, plus il doit le faire “encore un peu plus”… jusqu’à ce qu’il soit obligé de supplier qu’on lui en demande “moins”[23]. » Apparaît ici, dans cette clinique du travail, une affinité entre l’urgence et le registre de la demande. Imposer à l’autre l’urgence, comme il se voit en tous secteurs professionnels, est toujours une façon de le commander. Le maître est aussi celui qui exige que tout le monde soit réglé, à sa montre. Chrono-maître, nous murmurait déjà l’équivoque. Pensons aussi à la sournoiserie surmoïque d’un réveille-matin. Bien des scènes de films sont venues fixer dans notre imaginaire la jouissance supposée du moment où, moins patient que Charlot, on oserait enfin, d’un coup d’un seul, le réduire au silence. A l’opposé, le désir du sujet, en tant qu’il résiste à la demande de l’Autre, qu’il aspire toujours à Autre chose, est plutôt ce qui nous conduirait à être en retard, de structure. D’où le beau titre de l’ouvrage d’Hélène L’Heuillet : « Eloge du retard ».
La question est alors de savoir s’il y aurait une articulation possible de l’urgence avec le désir, et non plus la demande. C’est là ce que démontre, me semble-t-il, la psychanalyse, et à l’occasion la pratique même de Lacan. Je pense ici à la façon dont il pouvait répondre présent immédiatement, tout de suite et maintenant, à une première demande d’analyse autant qu’il pourra dire que la pratique (Autant il pourra dire ensuite que la pratique) de la psychanalyse nécessite une « patience infinie[24] ». L’urgence, donc, autant que la patience. Comment le comprendre, sinon en nous rappelant que le désir de l’analyste incarne une présence en acte, mais qui ne demande rien, et qui en cela peut ensuite faire place au temps qu’il faut, pour chacun. Rappelons qu’il fût toujours reproché à la psychanalyse de durer trop longtemps, et cela dès son origine, alors que les cures étaient beaucoup plus courtes. J’y vois le signe que la psychanalyse, en sa pratique, objecte à la temporalité productiviste du discours capitaliste sous lequel elle est née, réintroduisant la nécessité de faire place au temps qu’il faut, du fait du réel. « Tout ce temps qu’il m’aura fallu pour dire ça », s’étonne souvent l’analysant. Sans doute faut-il en faire l’expérience pour le permettre ensuite à d’autres.
Je conclus sur une remarque plus large, à l’appui à nouveau de l’ouvrage d’Hélène L’Heuillet. Platon, nous apprend-t-elle, avance que le temps requis pour une tâche « dépend de la chose et non du laps de temps » qu’on lui accorde. « Bien travailler, c’est savoir combien de temps la chose demande et non pas lui imposer sa propre personnalité[25]. » Lisant ces lignes, je me demandais dans quelles pratiques, outre la psychanalyse, les sujets d’aujourd’hui peuvent retrouver la possibilité de faire place au temps qu’il faut. Il y en a une dont l’on parle très peu en psychanalyse, et qui pourtant anime beaucoup d’êtres parlants : le jardinage. Il faudrait prendre le temps, justement, de s’y arrêter, pour en relever les subtilités, la façon dont elle peut compter au un par un. Il faudrait sans doute également se garder de toute idéalisation de cette pratique : jardiner peut aussi relever d’une façon d’imposer un ordre pur et signifiant à la nature. Pensons aux jardins à la française.
Je songe toutefois à la satisfaction toute particulière qu’il peut y avoir à laisser pousser… une fleur, une plante, un légume. Dans ce laisser à, pourrait s’entendre le laisser être, cher à Heidegger, autant que le laisser parler, dont Freud fit le principe de la psychanalyse. Pour ce qui est de laisser pousser, avec ce que cela implique du temps qu’il faut, je citerai le maraîcher Asafumi Yamashita, qui travaille en France et dont les légumes émerveillent aujourd’hui nos plus grands cuisiniers. Il confie : « En me couchant je pense qu’est-ce que je vais faire demain, et puis le matin j’oublie. Je descends dans mon jardin et puis je cherche comment je me sens. Si quelque chose est déséquilibré, il faut le travailler tout de suite. Si tout va bien j’observe de loin, je n’approche pas, je laisse pousser. Beaucoup de gens me demandent : “Votre légume est tellement bon, qu’est-ce qu’il faut faire, comment vous faites pour avoir des bons légumes ?” C’est tout le temps on cherche des causes, qu’est-ce qu’il faut faire. Mais moi je pense au contraire : qu’est-ce qu’il faut pas faire pour avoir des bons légumes. Il vaut mieux laisser pousser tranquillement[26]. »
[1] LACAN J., « Radiophonie », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.426.
[2] HEIDEGGER M., Parménide, Paris, Gallimard, 1992, p.127.
[3] HEIDEGGER M., Etre et temps, Paris, Gallimard, 1986, p.25.
[4] Ibid., p.29.
[5] HEIDEGGER M., “Temps et être”, dans Questions III et IV, Paris, Gallimard, 1965, p.205.
[6] Ibid., p.214.
[7] Ibid., p.210.
[8] KRACAUER S., « The Gold Rush », dans Le voyage et la danse, Saint Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2018, accessible sur internet.
[9] NYSENHOLC A., Charles Chaplin, Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, p.38.
[10] Ibid., p.39.
[11] LACAN J., « Radiophonie », dans Autres écrits, op. cit., p.426.
[12] LACAN J., Le Séminaire Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p.31.
[13] LACAN J., « Radiophonie », dans Autres écrits, op. cit., p.426.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Ibid.
[17] LACAN J., « Introduction de Scilicet », dans Scilicet n°1, Paris, Seuil, 1968, p.9.
[18] LACAN J., « Télévision », dans Autres écrits, op. cit., p.510.
[19] NIETZSCHE F., Le gai savoir, Paris, Folio, 1982, p.220.
[20] L’HEUILLET H., Eloge du retard, Paris, Albin Michel, 2020, p.26.
[21] Ibid.
[22] Ibid., p.27.
[23] Ibid.
[24] LACAN J., « Entretien pour le journal Panorama », 1974, inédit.
[25] L’HEUILLET H., Eloge du retard, op. cit., p.26.
[26] On retrouvera ces propos dans le podcast de l’émission « Dans mon jardin. Episode 1 : un maraîcher trois étoiles », 19 mars 2017, France culture.