Article publié dans la revue PLI n° 4 (Revue de psychanalyse de l’EPFCL-France pôle Ouest) à partir d’une intervention prononcée au Collège de Clinique Psychanalytique de l’Ouest le 17 novembre 2007 à Rennes.
Mots clés : mot d’esprit, métaphore, métonymie, Witz, graphe du désir
Dans son cheminement, Freud aborde la dimension du signifiant ; c’est une approche qui n’avait pas été faite avant lui. Ainsi suivant le fil de l’association libre, il déplie cette formation de l’inconscient qu’est le rêve et souligne à quel point, il n’ y est question, à chaque instant, que du rapport au langage. En 1900, à la lecture du manuscrit de L’interprétation des rêves, Fliess lui adresse une critique : « les rêveurs y faisaient trop d’esprit. » Freud rapporte le détail de cette appréciation dans la première édition de L’interprétation des rêves. Puis, il précise que « les reproches faits à ce propos (l’) ont amené à comparer la technique du mot d’esprit avec le travail du rêve. »
En allemand le mot Witz, trouve sa traduction française par « mot d’esprit », mais cela doit s’entendre aussi comme capacité d’en faire[1]. Ce qui interroge Freud, c’est ce que le mot d’esprit semble avoir de commun avec le rêve : cette faculté d’user d’une formule pour laisser entendre autre chose. Ce qui lui fait se poser la question de ce qu’il y a au-delà du sens exprimé.
La particularité du mot d’esprit est que contrairement aux symptômes, lapsus, rêves, qui sont essentiellement, peut-on dire, des phénomènes involontaires, il s’agit là, d’une activité intellectuelle reconnue comme supérieure. Freud veut nous montrer que dans cet acte de la pensée réfléchie, quelque chose échappe au sujet et l’amène à cette construction langagière ainsi qu’au plaisir qu’il y prend. Ainsi même lorsque l’on croit être maître de ce que l’on dit, l’inconscient oriente l’essence de notre discours. Freud veut donc démontrer l’emprise de l’inconscient en dehors de tout symptôme et de toute névrose. Le mot d’esprit transgresse les usages du langage au profit de celui qui sait avoir de l’esprit. Lacan va reprendre ce travail méticuleux de Freud pour nous faire entendre combien nous sommes effets de langage et que la demande et le désir ne peuvent s’inscrire que dans ces effets-là. Si l’inconscient se déploie dans les effets de langage, cela permet alors « d’interroger la fonction de l’inconscient comme étant le signifiant. »[2]
Dans « L’instance de la lettre »[3], Lacan, partant des termes saussuriens, réécrit le rapport du signifiant au signifié, en soulignant la primauté du signifiant sur le signifié. Il y a une séparation entre les deux et de plus, le signifié glisse à l’infini sous la chaîne signifiante. Deux conditions accompagnent le signifiant : sa réductibilité à des éléments différentiels derniers, les phonèmes ; et sa composition selon les lois de la métaphore et de la métonymie. Grâce à l’exemple homme/dame[4], il nous montre que ce qui compte ce n’est pas un signifiant lié à un signifié, mais l’opposition binaire des deux. Si Lacan, dans cet article des Ecrits, développe les formules de la métaphore et de la métonymie, il revient, dans Les formations de l’inconscient, sur l’intrication entre les deux.
Avec le Séminaire consacré aux psychoses[5], Lacan avait mis l’accent sur le point de capiton comme ce qui donne un point d’arrêt à cette « élasticité entre les deux termes »[6]. Le point de capiton nous permet de bien repérer l’action d’après coup du signifiant, la phrase ne trouvant son sens que lorsqu’elle est terminée.
Avec le trait d’esprit nous voyons que la chaîne signifiante est perméable aux effets de la métaphore et de la métonymie. Lacan nous dit que le discours courant est fait de mots pour ne rien dire. Pour que le sens vienne au jour, il faut qu’il soit reçu par ce lieu du code, et fasse retour sur le message. Lacan crée ainsi un schéma à double direction première esquisse du graphe du désir. Le message résulte de l’effet rétroactif de la rencontre des signifiants au niveau du code de l’Autre. Pas de meilleure illustration que cet exemple de Freud : le famillionnaire.
La condensation et la métaphore
Dans son ouvrage, Freud aborde longuement les mécanismes formels du trait d’esprit qui sont similaires à ceux rencontrés dans l’élaboration du rêve. Mais il semble que la condensation y soit plus fréquente. Pour Freud c’est ce qui est en jeu dans un premier exemple extrait des Tableaux de voyage de Heine, « Les Bains de Lucques »[7]. Hirsh-Hyacinthe est un buraliste de loterie et chirurgien pédicure, qui se vante de ses relations avec le riche baron de Rothschild : « Et aussi vrai, monsieur le Professeur, que Dieu doit pourvoir à ma prospérité, j’étais assis à côté de Salomon Rothschild et il m’a traité tout à fait comme son égal, d’une manière tout à fait famillionnaire.[8] » À première vue ce mot, hors code, peut être entendu soit comme un lapsus, un néologisme, ou un trait d’esprit. Mais c’est bien un trait d’esprit et cette distinction, nous introduit à l’analyse de l’ambiguïté du signifiant dans l’inconscient. Freud y reconnaît le mécanisme d’une condensation entre ces deux termes : famili-ère et milli-onnaire[9].
Lacan nous fait remarquer que le « tout à fait » éclaire un élément du contexte ; il est invoqué ici comme à chaque fois que nous ne sommes pas tout à fait sûrs de cette totalité. Mais outre l’effet de condensation, il faut mettre l’accent sur le sens nouveau qui émerge avec ce signifiant. Quand famillionnaire apparaît que se passe t-il ? Surgit un objet qui va vers le comique, l’absurde, le non-sens : c’est le personnage du famillionnaire , dérision du millionnaire. En allemand, Millionnarr donne fou-fou millionnaire, en français on pourrait dire : fat-millionnaire.
La question de Lacan est de savoir si l’on peut comparer la formation de famillionnaire à une métaphore ? Dans la métaphore, de façon identique à cette construction, quelque chose se passe, tombe dans l’intervalle et est élucidé dans l’articulation du sens. En effet, dans le langage, il y a deux dimensions : l’une diachronique (continuité et concaténation) et l’autre synchronique (substitution). (Nous en voyons la représentation dans les chaines du discours et du signifiant sur le graphe élaboré par Lacan à la page 16 du Séminaire.[10])
Donc, nous dit Freud, nous avons en quelque sorte une condensation de deux mots, pour en faire un nouveau tandis que Lacan y voit une substitution particulière. Pour expliciter cette nuance, il va comparer ce mot à la métaphore qu’il a déjà étudiée, celle de Victor Hugo concernant Booz endormi[11].
Booz est un riche paysan à la barbe d’argent qui rachète la jeune Moabite, une parente, dont il aura un fils, le grand-père de David. « Sa gerbe n’était pas avare ni haineuse. » À Booz est substituée « sa gerbe ». C’est une métaphore qui fait surgir autour de la figure de Booz un plus de sens qui concerne la paternité et donne au personnage un tout autre rayonnement. En effet, une gerbe ne pouvant être ni avare ni haineuse, c’est par un déplacement de la signification de paternité à une place où on ne l’attendait pas que se produit le plus de sens. Ainsi la substitution maintient en même temps ce à quoi elle se substitue et le signifiant occulté reste présent dans une connexion métonymique au reste de la chaîne. « Cette métaphore est précisément là pour montrer l’avènement d’un nouveau sens autour du personnage de Booz qui en apparaissait exclu, forclos.[12] » Cela montre, nous dit Lacan, « la force d’engendrement du signifiant.[13] » De même, avec le mot famillionnaire, le personnage qui surgit prend une dimension nouvelle.
Autre exemple freudien, l’oubli du mot Signorelli nous offre une seconde démonstration.[14]
L’oubli a une topique commune avec le Witz, même si leurs effets pourraient plutôt être qualifiés de négatif pour l’un et positif pour l’autre. Mais concernant le Witz, peut-on retrouver, comme dans l’analyse que fait Freud du mot Signorelli quelque chose de refoulé ?
Avec Signorelli, Freud situe cette fois les choses sur un plan métonymique, car surgissent pour lui d’abord deux autres mots : Botticelli et Boltrafïo. Il y a là à l’œuvre une combinaison : Botticelli est là pour le elli, car signor est oublié ; et Bo quant à lui, est le reste décomplété de Bosni-herzégovine, pour autant que Herr est refoulé. En effet, quand Freud cherche le pourquoi de cet oubli, il se repasse le film de la conversation qui précédait. Le médecin avec qui il conversait, lui avait parlé de la résignation devant la mort des musulmans d’origine turque résidants en Bosnie. « Herr, (monsieur) nous savons que vous avez fait ce que vous avez pu. » Or, le thème de la sexualité et de la mort est alors au cœur des préoccupations de Freud. Ainsi il réalise que c’est à Trafoï qu’il a appris que l’un de ses patients, qu’il n’avait pu soigner de son impuissance, s’est suicidé.
Il ne reste que des « ruines métonymiques de l’objet » nous dit Lacan, car le «Herr » est repoussé, il est à proprement parler unterdrückt »[15], tombé en dessous. Le second mot est Signor et lui est verdrängt, refoulé. On ne trouve pas Signor parmi les traces métonymiques, car il n’est présent que par le biais de Herr, il est donc lié à la traduction de ce Herr. Il y a une substitution hétéronyme puisque Signor est un substitut de Herr.
Schéma du graphe[16]
Si Herr est en bil est tombé en dessous, « c’est en effet le discours précédent qui a capté le Herr, » mais comme ruines métonymiques de l’objet, il nous met sur la trace du signifiant perdu. Signor se situe entre le message et le code, une force le maintient ainsi dans le circuit sans y entrer, c’est l’effet du refoulement à l’œuvre dans l’oubli. Lacan nous dit que nous sommes face à une substitution et non face à une métaphore, c’est une « induction métaphorique.[17] » Car le changement de langue induit un changement de registre ; de plus le signor est rattaché au contexte de Signorelli et à sa fresque d’Orvieto qui évoque le thème de la mort. Dés lors Signor en dit plus que Herr. La décomposition propre à la métaphore, nous montre comment ce mot Signorelli peut être oublié. Ainsi nous pouvons l’écrire :
X Signor = X
Signor Herr Herr
Cette démonstration pas à pas, montre comment Lacan tente de nous faire saisir la logique du signifiant pour la transposer de l’oubli au mot d’esprit. Si famillionnaire fait, par sa création métaphorique, sortir du chapeau ce personnage haut en couleur, il ne doit pas, lui aussi, être exempt d’un déchet, quelque chose de refoulé qui tourne comme le Signor, entre le message et le code. Ainsi, dans famillionnaire, trouve t-on tous les débris métonymiques : fames, fama, famulus, l’infamie. Mais ce qui ne vient pas et qui aurait pu venir, c’est le terme « familier ». Lacan en déduit que le mot familier a subi le même sort que le Signor pour Signorelli : il tourne dans la mémoire inconsciente. Cela s’éclaire des informations complémentaires que nous donne Freud dans la suite de son développement. Car Heine avait dans sa famille un autre Salomon, un oncle qui le traita avec beaucoup de dédain, mettant en péril un projet de mariage… Ainsi le signifiant familier, intimement lié à « famille », qui est mis dans le circuit du refoulé, est un élément actif dans la construction métaphorique, alors qu’à l’entendre on aurait tendance à retenir l’élément plus visible : millionnaire.
Lacan insiste pour ne pas nous laisser aller à « l’entification »[18] du signifiant, car même si dans famillionnaire, resurgit millionnaire, il ne faut pas néanmoins sous-estimer les débris métonymiques qui nous mènent sur la voie du familier. Le truchement de cette métaphore donne la « fonction que prend le signifiant en tant qu’il est substitué à un autre.[19] » Cette démonstration vient confirmer l’intrication entre la métaphore et la métonymie pour constituer ce mot d’esprit.
Le veau d’or et le contexte métonymique
La dimension métonymique joue sur les contextes et les emplois. Il en découle qu’un mot est lié de façon différente dans deux contextes distincts ce qui lui donne deux sens complètement singuliers. Cela « s’exerce en associant les éléments déjà conservés dans le trésor des métonymies.[20] » Lacan reprend pour l’illustrer, un autre exemple de Freud, une réplique de Henri Heine, à propos d’un personnage cousu d’or, figure emblématique des salons de l’époque.
– « Vous voyez, mon cher ami, le culte du Veau d’or n’est pas terminé »
Henri Heine après avoir regardé le personnage répond :
– « Oh pour un veau, il me paraît avoir un peu passé l’âge.[21] »
Que se passe t-il ici ? Le mot d’esprit réside dans le fait que le signifiant veau est pris dans deux contextes métonymiques différents. D’une réplique à l’autre, il change de contextes Dans la première remarque, le veau d’or a quelque chose de métaphorique : cette expression symbolise l’intrigue d’une part et le pouvoir et l’argent d’autre part. Il y a un croisement des fonctions symbolique et imaginaire, dans l’idolâtrie qui convoque l’image en relation avec le signifiant. Mais dans la réplique de Heine, le veau est relégué au rang de bétail. Sa réplique subvertit toutes les références qui soutiennent la métaphore du veau d’or, en la ramenant à ce qu’il « vaut » : « tant la livre. »
Cette dimension du contexte est encore plus patente dans un exemple plus resserré encore que Lacan nous livre, celui d’une réplique de Judith, sa fille, à un jeune homme qui l’ennuie profondément. À la réflexion : « Vous avez vu, mademoiselle, que je suis comte », la fine mouche répond : « At ! » Lacan nous dit que cet esprit, d’un niveau du jeu du signifiant extrêmement court, vient donner le contexte du présent du discours. Il n’y a pas de « je », mais « rien n’est plus exemplaire du présent du dire »[22]. Il y a ici une simple modification du code qui n’est pas préméditée. Une seule lettre ajoutée « suffit à constituer un énoncé ayant valeur de message, pour autant qu’il ait une référence paradoxale à l’actuel emploi des mots et qu’il dirige la pensée de l’Autre vers une saisie instantanée du sens.[23] » Cependant ici, le sens à créer reste en suspens entre le moi et l’Autre. Elle ne lui a pas dit ce qu’il était sans le « t », mais cela montre juste ce qui laisse à désirer. La métonymie ne fonctionne donc que grâce à la place que prend le signifiant dans la chaîne signifiante et non en rapport avec un réel. C’est un transfert de signification le long de la chaîne.
Pourquoi démonter avec autant de rigueur le phénomène de la métaphore et de la métonymie ? Parce que nous dit Lacan, c’est là une dimension essentielle qui nous permet de rejoindre le plan de l’inconscient, la dimension de l’Autre récepteur, point pivot du trait d’esprit. Nul désir ne peut être reçu par l’Autre en dehors du truchement de la parole.
L’origine du plaisir du mot d’esprit ou l’effet de surprise
Si Freud cherche l’origine du plaisir du mot d’esprit dans les premiers jeux infantiles un instant retrouvés, (le mot d’esprit lèverait le poids des contraintes du contrôle et de la critique dus à l’éducation), Lacan veut aller au delà. Il discerne deux temps : le premier lorsque le mot d’esprit frappe par le non-sens : quand « le passage du sens est frayé par le non-sens qui à cet instant nous étourdit et nous sidère.[24] » Le non-sens nous leurre un moment pour qu’un sens inaperçu nous frappe au travers du mot d’esprit. Ce sens est fugitif, en éclair, de la même nature que la sidération qui nous a un instant retenu sur le non-sens[25]. C’est un aperçu qui prend place en un instant.
C’est dans la surprise que survient le plaisir, satisfaction chez l’Autre de ce message nouveau créé propre à l’exercice du signifiant. C’est dans cet instant que Lacan introduit le désir : « la dimension de la surprise est consubstantielle à ce qu’il est du désir, pour autant qu’il est passé au niveau de l’inconscient.[26] » Ces désirs ne s’usent pas, ne sont pas sujet à l’impermanence propre à toute satisfaction, mais ils sont supportés par la structure symbolique. Le witz restitue sa jouissance à la demande essentiellement insatisfaite sous la surprise et le plaisir[27]. Le mot d’esprit est une sorte de bonheur qui supplée à l’échec de la communication du désir par la voie du signifiant.
L’Autre dans le trait d’esprit
Freud insiste sur la dimension subjective du mot d’esprit ; le sujet de l’inconscient est là et est saisi dans la surprise. Il fait alors une comparaison entre le comique et le mot d’esprit. Mais Lacan dira qu’il est sur ce sujet « à cent pieds en dessous de sa perspicacité habituelle.[28] » Il va l’illustrer par une petite histoire de Queneau. Le cadre est planté par les deux protagonistes : un candidat face à l’examinateur au baccalauréat ; nous suivons les questions suivies des réponses, comme des ritournelles, jusqu’à la chute. Le comique réside là dans la partie préparatoire. Il repose sur l’émergence du fantasmatique cheval, en lien étroit avec notre culture et notre représentation du cheval. La monotonie de l’histoire indique à quel point, nous est refusé l’accès à la réalité, dés lors que nous usons du signifiant. Mais si le comique peut se contenter d’un jeu à deux, où l’Autre va se situer tantôt du côté de l’examinateur tantôt du côté du candidat, le trait d’esprit, quant à lui suppose d‘être trois. Le comique met en place un cadre qui est de captation duelle, qui vous prépare soit à consentir, soit à résister, (on se fait « prendre au côté prestige et parade qu’annoncent le registre et l’ordre de l’histoire.[29] ») Mais c’est quand la surprise va surgir à l’endroit où votre attention est leurrée « c’est en cela que nous nous trouvons au niveau de l’inconscient.[30] » Car l’Autre est rejoint par le trait d’esprit.
Le jeu duel n’est qu’une préparation au niveau de la conscience qui permet de passer à un autre plan. Cette préparation, c’est l’Autre avec un grand A, et il s’agit de l’accommoder pour laisser le passage à la parole spirituelle par la captation, la fascination métonymique. Le mot d’esprit exige un autre imaginaire pour qu’à l’intérieur de la coupe que présente cet autre imaginaire, l’Autre symbolique l’entende. Pour que cela fonctionne, il faut donc que l’Autre « soit de la paroisse.[31] » et que « ce qui se produit entre le moi et l’Autre, lors du trait d’esprit, (soit) comme une communion toute spéciale entre le peu-de-sens et le pas-de-sens. »[32] Eux qui habituellement s’entrecroisent, doivent donc, l’espace d’un instant, se rejoindre.
Conclusion
Le Witz ouvre une porte sur la scène où les phénomènes langagiers fonctionnent tout seuls. Il ouvre la porte sur la refente. Mais fait–il plus ? En effet, nous avons abordé la temporalité du mot d’esprit. Nous avons pu voir que les choses se passent comme en un éclair avec le passage du peu-de-sens au pas-de-sens, et dans l’effet de surprise survient une certaine jouissance. En 1976 dans le Séminaire le sinthome, Lacan dit que « le lapsus est sur quoi, en partie, se fonde la notion de l’inconscient »[33], et que le mot d’esprit est à verser au même compte. A la fin de Télévision, il précise : « Ne savons nous pas que le mot d’esprit est lapsus calculé, celui qui gagne à la main l’inconscient ? »[34], et il évoque le fait que, de même, l’interprétation doit être « preste ». Car, avait-il précisé, « si l’inconscient ne pense pas, ne calcule pas, c’est d’autant plus pensable. » Ainsi, le mot d’esprit prendrait en quelque sorte l’inconscient de vitesse. Cette question de la temporalité à laquelle introduit le mot d’esprit est reprise pour l’interprétation. Si l’inconscient ne calcule pas et ne pense pas, il procède par interprétation[35]. Dans le mot d’esprit, par la satisfaction, l’Autre reconnaît cette dimension « au-delà » d’où doit se signifier ce qui est en cause et qui ne peut se signifier comme tel. Cette dimension est révélée par le trait d’esprit.
Le mot d’esprit, nous met sur la voie de la logique signifiante : au-delà du sens énoncé, comme au-delà de toute demande, il y a le désir.
Email de l’auteur : gournel.marie-therese@neuf.fr
[1] FREUD S., Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Paris, Folio Essais.2002 p. 33.
[2] LACAN J., Le Séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. Paris ; Seuil, 1998, p. 9.
[3] LACAN J., « L’Instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud », Ecrits, Paris ; Seuil, 1966, p. 493.
[4] Op. Cit., p. 499.
[5] LACAN J., Le Séminaire livre III. Les psychoses ; Paris ; Seuil, 1981.
[6] LACAN J., Le Séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. Paris ; Seuil, 1998, p. 13.
[7] HEINE H., « Les bains de Lucques ». Les documents de la bibliothèque de l’ECF. N° 2. 1993.
[8] FREUD S., Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Paris ; Folio Essais, 2002, p. 61.
[9] Op ; Cit., p.23.
[10] Op. Cit., p 16.
[11] HUGO V., « Booz endormi ». La Légende des siècles. Paris ; Garnier-Flammarion, 1979.
[12] LACAN J., Le Séminaire livre V. Les formations de l’inconscient. Paris ; Seuil, 1998, p. 31.
[13] Op. Cit., p. 31.
[14] FREUD S., Psychopathologie de la vie quotidienne. Paris ; PBP, 1971, p. 6.
[15] Op. Cit., p. 39.
[16] Op. Cit., p. 16.
[17] Op. Cit., Leçon du 20 novembre 1957.
[18] Op ; Cit., p. 64.
[19] Op. Cit., p. 69.
[20] Op. Cit., p. 62.
[21] Ibid.
[22] Op. Cit. p. 63.
[23] Ibid.
[24] Op. Cit., pp. 85/86.
[25] Ibid.
[26] Op. Cit., p. 92.
[27] Op. Cit., p. 93.
[28] Op. Cit., p. 109.
[29] Op. Cit., p. 112.
[30] Op. Cit., p. 113.
[31] Op. Cit., p. 117.
[32] Ibid.
[33] LACAN J., Le Séminaire Livre XXIII Le Sinthome. Paris ; Seuil, 2005. Leçon du 17 février 1976.
[34] LACAN J., Télévision. Paris ; Seuil, 1974.
[35] GUÉRIN N., « L’interprétation de l’inconscient ». Pli N° 3. Publication interne au CCPO. Novembre 2008.