Article de Colette Soler paru dans la revue PLI n° 1 (Revue de psychanalyse de l’EPFCL-France pôle Ouest) à partir d’une conférence prononcée à Rennes le 31 mars 2007, dans le cadre des activités du Pôle Ouest et du Collège de Clinique Psychanalytique de l’Ouest.
J’ai choisi, à titre préparatoire à nos prochaines journées de décembre sur la question de l’identité, de m’arrêter à ses rapports avec le nom et la nomination. Je ne pars pas de rien, puisqu’il y a dans la psychanalyse une thèse déjà là, selon laquelle le symptôme est le nom d’identité du sujet, c’est dire son vrai nom propre.
Sur cette thèse que je ne vais pas déplier, je m’en tiens à deux remarques, pour l’approcher par des considérations sur le nom et la nomination. On en peut trouver un indice simple dans le fait que certains sujets parviennent à se renommer par leurs œuvres. Mais qu’est-ce d’autre qu’une œuvre que le produit du nouage entre un désir et un mode de jouissance, aussi bien que les faits et méfaits des sujets ? Ainsi dit-on un Fragonard, le théorème de Gödel, Zorro le justicier, mais aussi Jack l’éventreur, M le maudit, et bien sûr, Joyce le Symptôme. De là à penser qu’une analyse vise à trouver son vrai nom propre il n’y a qu’un pas. Mais c’est dire aussi que tout sujet a au moins deux noms propres : au sens commun du terme, son patronyme dont on sait qu’il a toujours de grandes résonances subjectives, et son nom réservé, celui de son symptôme.
Le patronyme est un nom reçu de la généalogie, transmis. Disons qu’il vient automatiquement de l’Autre. D’ailleurs patronymikos, vient de pater et onoma, comme si la langue enregistrait la généalogie paternelle. On sait cependant que ce joint au père n’est pas si général, il y a des règles matronymiques de la nomination. En outre la pratique de la nomination généralisée pour tous les sujets est relativement récente dans l’histoire, car pendant fort longtemps, et dès la Grèce antique, le patronyme a été réservé aux grandes familles. Il y a en outre les cas atypiques où c’est le corps social qui nomme, par exemple les enfants trouvés, ou nés sous x. Comme si aujourd’hui l’obligation de déclarer la naissance, d’inscrire obligatoirement chaque enfant né au registre de l’état civil avait, au-delà d’une fonction de contrôle social bien évidente, une fonction d’accueil social de chaque nouveau vivant, fonction en quelque sorte homologue au niveau laïc à celle du baptême chrétien.
À la différence du nom commun dont le référent est généralement une classe de choses, du patronyme on attend qu’il indexe une existence et une seule, indépendamment de toute qualité, autre que la descendance. En ce sens le patronyme n’est pas un signifiant, car il tend à désigner indépendamment du sens. Certes un patronyme peut avoir un sens : Monsieur ou Madame Boulanger, Meunier, Beauregard, et pourquoi pas Soler qui dans sa langue d’origine renvoie au sol tandis qu’à l’oreille du français c’est à l’astre majeur ! Mais dans tous les cas, dans sa fonction de nom propre, le sens est élidé.
Le prénom qui s’ajoute au patronyme est tout autre chose : il n’est pas transmis automatiquement mais il inscrit un choix. Aussi est-il toujours le stigmate du désir de l’Autre à l’endroit du nouveau venu, autrement dit un signifié de l’Autre (S(A)) qui porte la trace de ses rêves, de ses attentes. Et combien de Vénus, d’Ophélie, de Marilyn… À moins que ce ne soit la trace de ses deuils quand c’est le prénom de l’enfant mort, ou de l’aïeul regretté, ou le prénom mixte qui barre le sexe effectif. Les sujets le savent si bien, que certains, récusant la marque, décident de se re-prénommer, en dépit des exigences de l’état civil.
La pratique du prénom et même des prénoms pluriels, tente à l’évidence d’accroître le pouvoir identifiant du patronyme. Cependant celui-ci brille par l’indigence de son pouvoir discriminatif. Pour preuve, la généralité des homonymes qui s’alignent dans les annuaires et aussi la pratique qui consiste à changer son patronyme, quand on le trouve ridicule ou injurieux, voire dangereux. À moins que ce ne soit simplement, en certains lieux au moins, parce que étant femme on devient épouse… Bref, le nom propre au sens banal est insuffisamment identifiant, et n’arrive pas encore à remplir ce qui serait le programme du vrai nom propre : identifier un individu et un seul.
Cette impuissance des patronymes répercute en fait les difficultés inhérentes à la définition de ce qu’est un nom propre, dans son rapport à son référent, que je vais appeler le « nommé ». On nomme, croit-on, quelque chose qu’« il y a ». Souvenez-vous de l’histoire de la Genèse : dieu après avoir créé chaque chose lui donne un nom. Mais si on nomme ce qu’il y a, un référent donc, aussitôt plusieurs questions surgissent. Ce « il y a », comment le distingue-t-on de tout autre, autrement dit comment l’identifier dans son unicité ? Est-ce même un existant, puisqu’il est possible de parler de ce qui, tel Pégase, n’existe pas ou n’existe que dans l’imaginaire. D’où le vœu de Willard Quine, de viser une « immunité ontologique », qui ne spécule pas de l’existence et qui s’en tient à la seule question de l’identité : ce « il y a », qu’est-ce que c’est ? Ces questions que je réduis au plus simple, ont donné lieu à des élaborations logiques considérables. John Stuart Mill, déjà dans A system of logic, avait souligné qu’avec le nom, dénotation et connotation sont disjointes. Les élaborations postérieures se répartissent grosso modo sur deux voies. L’une dite des théories descriptivistes, qui commence avec Russel, et qui se prolonge notamment avec Frege, Searles, Strawson est issue de la théorie des descriptions de Russel. Elle consiste à lier la fonction du nom propre à une description fixant une propriété essentielle du référent, ou un faisceau de propriétés. Exemple donné par Russel lui-même : Sir Walter Scott, l’auteur de Waverley. Ou encore, exemple de Kripke, Nixon, Président des USA en 1970, ou Hitler, l’homme qui a tué le plus de juifs. On voit qu’il s’agit là de compléter le patronyme par un trait identifiant de singularité qui permette d’atteindre sans confusion possible le Un d’identité.
Là n’oublions pas que ces questions pour être de logique abstraite n’en ont pas moins une portée très concrète, comme toujours en pareil cas. Pensez par exemple à l’investigation policière où on ne peut se passer des traits distinctifs qui permettent une identification sans équivoque. La carte d’identité par exemple, ne relève-t-elle pas sans le savoir des pratiques descriptivistes, elle qui ajoute au patronyme une série de traits : date et lieu de naissance, etc. et aussi, signes particuliers comme on dit, pour désigner des marques corporelles telles que les empreintes digitales, qui ne sont pas du sujet mais du corps, aussi bien que l’ADN d’ailleurs qui les a supplantées. De telles marques, il y en a d’autres plus ambiguës, entre corps et sujet, qui se sont cherchées dans la phrénologie d’abord, l’écriture ensuite, où la graphie fait trace singulière infalsifiable, spécialement dans la signature, et même avec la science les fréquences de l’émission vocale au-delà de l’accent audible, et pourquoi ne pas y ajouter le style inimitable et insu détecté par l’œil féminin que Lacan évoque dans son séminaire avec « les chaussures du professeur »1.
L’autre voie vise au contraire à éliminer toute connotation. Kripke en est le représentant le plus éminent et le plus novateur, et il tente spécialement dans Naming and necessity, de 1972, de cliver le nom propre de toute propriété identifiante, de tout trait de singularisation, pour en faire ce qu’il nomme un pur « désignateur rigide » séparant la référence de tout sens. Difficile pourtant d’atteindre à un nom d’identité sans propriété. L’énoncé singulier de pure existence fait problème et il est bien difficile de s’y tenir dans la psychanalyse.
Je m’arrête un instant aux premiers développements de Lacan sur le nom propre, tels qu’ils figurent dans Subversion du sujet et dialectique du désir2. Le nom propre y désigne ce qui d’un être n’est pas identifié et pas identifiable par le signifiant. Si le sujet est représenté par les signifiants qu’il assume, ces signifiants ne sont cependant que des représentants qui ne disent pas ce qu’il est disons en lui-même, hors représentation, et qui donc reste un x. Le nom propre n’est précisément pas un signifiant qui représente le sujet, mais l’indexe de ce qu’il est « d’impensable », de ce qui de lui ne passe pas au signifiant. Les deux noms de cet impensable ce sont chez Freud libido et pulsions, chez Lacan, d’abord désir et jouissance, puis le nouage borroméen spécifique qui définit un parlêtre. Ainsi le nom propre est-il le nom de la Chose et pas du sujet lui-même. Et quand Lacan dit que le névrosé a horreur de son nom propre, qu’il ne veut rien savoir de ce qu’il est comme Chose, il reformule ce que Freud appelait la défense névrotique, foncièrement la distance prise grâce au signifiant à l’endroit du réel.
En tous cas le nom de symptôme est un vrai nom d’identité dans la mesure où il nomme à partir d’une singularité et d’une seule. C’est le cas dans les exemples que j’ai évoqués au début. Ceci me ramène à la renommée ; c’est le mot pour dire la célébrité. Le fait d’être fameux, fama, renvoie à une deuxième opération de nomination, au « se faire un nom » alors que l’on en a déjà un. Le nom de renommée réussit ce que le premier nom rate, à savoir indexer conjointement une existence et ses traits d’unicité, en nouant le patronyme à la singularité distincte. Difficile de le considérer comme un simple « désignateur rigide », dénotant une existence sans rien connoter de sa spécificité, plutôt est-il le seul à pouvoir fixer de l’identité singulière. Comment appeler cette singularité, qu’elle se manifeste dans les œuvres ou dans les faits d’éclat, bons ou mauvais, sinon singularité symptôme ? À condition évidemment de retenir la dernière élaboration de Lacan qui nomme symptôme, non l’anomalie, mais la fonction qui noue et fait tenir ensemble, corps, jouissance et inconscient. Se renommer a donc toujours une fonction borroméenne, et c’est par elle qu’un sujet signe de sa signature infalsifiable. La preuve par Joyce. Pour lui, il a cependant une spécificité de son nom de symptôme — génie mis à part. Lacan n’a pas dit « Joyce les Langues », ou « l’élangue » comme il s’exprime dans le séminaire du 18 novembre 1975. C’eût été le nommer par son rapport symptomatique au langage, de style plutôt maniaque. Avec « Joyce le Symptôme » il nomme, non le symptôme qu’il a, mais celui qu’il est, à savoir le fait, je cite, de « s’accomplir en tant que symptôme »3 avec ce que l’expression « s’accomplir » implique de temps, d’efforts soutenus asymptotiquement vers son être symptôme, cet être symptôme qui consiste pour lui à prendre en charge la fonction borroméenne au point de suppléer à la carence de son père. Ce faisant, à la série des Noms du Père, il en ajoute un, « le fils nécessaire » qui ne cesse pas de s’écrire, et qui renomme « l’esprit incréé de sa race ».
Je voudrais interroger ce qui fonde Lacan dans les années 75 à glisser du Nom du Père au Père du nom car je ne pense pas que ce soit seulement le goût pour le jeu de mot qui l’inspire. Le « se faire un nom » qui semble laisser toute la charge du nom au sujet lui-même, ne doit pas nous masquer qu’il n’y a pas d’auto-nomination, ce qui veut dire qu’un nom propre, fut-il de symptôme, est toujours solidaire d’un lien social. Voyez l’homme aux rats. On peut dire que rat vient de son inconscient comme le nom d’une jouissance logée dans sa relation fantasmatique à la dame et au père, mais il faut Freud pour le désigner comme l’homme aux rats et lui donner ainsi son nom d’entrée dans l’analyse. De même Joyce le Symptôme, c’est Lacan qui nomme. Il en est de même d’ailleurs pour le nom qu’il s’est d’abord donné lui-même : l’artiste, qui a du être entériné par le public, disons le siècle. Faute de ce lien il n’aurait été que le mégalo que Yeats avait perçu en lui quand il l’a rencontré dans sa prime jeunesse. Dans tous les cas, il faut que ce que je vais appeler l’offre à nomination, pour désigner la mise du sujet, soit reçue par un Autre. Autant dire que le nom est à la merci de la rencontre incalculable. Il participe donc en partie de la contingence – tout comme l’amour.
Qui dispose du pouvoir – c’est un pouvoir – de nomination ? Dès lors que la contingence est en jeu, le pouvoir de nommer est relativement dispersé.
Pensez à l’injure haineuse. C’est une tentative de forçage vers le nom de jouissance, mais qui ne fait pas vraiment nom car aussitôt récusé. Il y a aussi des noms d’indignité imposés, venus de l’Autre quoique non consentis, tels que M le maudit. Et puis surtout l’amour qui nomme. Ce thème traverse l’enseignement de Lacan4. Il commence à la notion de parole pleine logée dans l’intersubjectivité : « si je l’appelle par le nom que je lui donne, quel qu’il soit (…) », il me répondra, jusqu’à « il n’y a d’amour que d’un nom ».
Les poètes l’ont aperçu dès longtemps, j’ai cité déjà Claudel dans Partage de midi : « Si tu m’appelles par un nom que tu sais et que j’ignore (…) je ne pourrais résister »5. L’amour qui nomme élève l’anonymat de l’objet cause du désir à l’unicité élective du lien. On voit à quel point le nom est octroyé. Mais il ne fixe en rien une propriété du nommé. Pensons en outre à Marguerite Duras avec « ton nom de Venise dans Calcutta désert » etc. Il y a certes d’autres types de nominations : celles qui se font à partir de ces « propriétés » du nommé que sont les compétences. On nomme ainsi à une charge, ou pour rétribuer un mérite (ordre du mérite dit-on). Ce sont les nominations socialisées et socialisantes qui inscrivent l’être identifié dans le lien social. Quand c’est l’amour qui nomme, au contraire les propriétés du nommé ne sont pas convoquées : le nom reçu n’y est pas le nom de symptôme de l’aimé, mais au contraire de l’aimant, nom de l’objet symptôme que je suis pour l’autre. Le « tu es ma femme » le disait en clair. Ces noms disent plus du nommant que du nommé. Ce pourquoi d’ailleurs ils peuvent être refusés. Sur ce point une clinique différentielle entre les sexes s’imposerait. On connaît de ces hommes qui sont dans le refus du nom, spécifiquement du nom à donner. Pour eux l’amour va sans dire, comme le dit Lacan, car ils se contentent de leur jouissance. Du côté des femmes l’amour ne va pas sans dire, et la demande de la parole qui nomme est prégnante. Sur ce point il y a d’ailleurs une particularité instituée des femmes, puisqu’elles prennent le patronyme de l’Un dont elles sont symptômes. C’était du moins le cas chez nous et jusqu’à ce que le libre choix du patronyme ne commence à être autorisé avec les évolutions du couple et de la famille.
Qu’est-ce qui spécifie le Père qui nomme ? Le dire de nomination a fonction borroméenne.6 Il noue les trois consistances, et corrélativement accroche le réel dans un nœud social, imaginaro-symbolique. Il est donc à la fois nouant et « nou(s)ant », si je puis dire.
Le dire du père, lui, a ceci de spécifique qu’il ne se limite pas au dire de l’amour hétéro-sexué. Comme ce dernier il nomme l’objet-symptôme, une femme, mais son mi-dire y ajoute cet autre objet qu’est la descendance de cet femme-mère, nouant ainsi entre eux les liens du sexe et ceux de la génération – ces liens dont les avancées actuelles de la science donnent à penser qu’ils ne sont pas si inscrits dans la nature qu’ils ne puissent être défaits. Telle était la thèse de Lacan en 1975.
On voit qu’en plaçant la « père-version » du père au principe de l’arbre généalogique, il n’envisageait pas que le mi-dire qui porte la nomination paternelle soit disjoint de la bipolarité du sexe. Il laissait donc de côté les paternités qui se revendiquent aujourd’hui comme homosexuelles, aussi bien de la part d’hommes que de femmes.
Les Noms du Père annoncés au pluriel allaient bien avec ce qu’il formule ensuite : que la fonction Père, passe par un dire. Or le dire est une fonction existentielle, donc contingente, et donc pluralisable. Elle peut s’inscrire d’un signifiant au singulier, celui du Nom du Père que Lacan n’a jamais récusé, mais elle n’est cependant pas une fonction signifiante. Les Noms du Père pluriels sont au fond les noms de dires divers portant la fonction : La femme, l’homme masqué de Wedekind, et j’y ajouterais grâce à Joyce, le fils nécessaire. On sait l’intérêt que Lacan a porté à Wedekind, lui prêtant quant au sexe une perspicacité supérieure même à celle de Freud. Il y reprend cette question du pluriel d’une façon qui mérite qu’on s’y arrête. Le Père dit-il a tant et tant de noms qu’aucun ne lui convient, qu’il n’a pas de nom propre, sinon le nom, de nom, de nom, soit le nom comme existence. Dans cette affirmation, le Père désigne ici la fonction, car pour ce qui est d’un père, celui qui porte la fonction par sa père-version, celui-là a un nom propre, comme tout sujet.
Alors le nom de nom de nom du Père-fonction ? On peut appliquer en réduction à cette triade, le jeu logique que Deleuze applique au nom de la chanson de Lewis Caroll dans sa Logique du sens. Père c’est un nom ; Nom du Père, c’est un nom de nom ; et tous les noms de ce nom de nom, La femme, l’homme masqué etc., constituent la série des Noms du père au pluriel. Autant dire que le dire existentiel peut faire loi, et même loi d’airain quand c’est le surmoi, mais il n’y a pas de loi du dire. Le dire paternel qui nomme est donc plutôt épiphanique, comme je l’ai déjà formulé. Il redouble les injustices de la nature par les hasards de son émergence, mais sa contingence le disjoint aussi des avatars de la famille conjugale.
Email de l’auteur : solc@easynet.fr
1 LACAN J., « Joyce le symptôme II », in Joyce avec Lacan, éd. Navarin, Paris, 1987, p. 35.
2 LACAN J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, éd. Le Seuil, Paris, 1966, p. 300.
3 LACAN J., « Joyce le symptôme II », op. cit. p. 34.
4 LACAN J. Le Séminaire Livre X L’angoisse, éd. Le Seuil, Paris, 2004, p. 390.
5 CLAUDEL P., Partage de midi, éd. Bibliothèque de la Pléiade, Paris 1967, p. 1005.
6 LACAN J., Le Séminaire R.S.I. leçon du 21 janvier 1975, in Ornicar ? n°3, mai 1975, Paris, pp. 104-110.